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  • : Au collège
  • : Je suis professeur d'histoire-géographie au collège Félix-Djerzinski de Staincy-en-France. Ce métier me rend malade et il fait ma fierté. Avant d'en changer, je dépose ici un modeste témoignage.
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25 octobre 2007 4 25 /10 /octobre /2007 22:32
Sixième. Cours sur la démographie mondiale.

Moi. - ... Mais alors, quand on écrit que le taux de mortalité de tel pays est de 11,7 ‰, qu'est-ce que ça veut dire, en fait ? Oui, Kader.
Kader. - Ça veut dire... je crois, hein ?
Moi. - Vas-y.
Kader. - Ça veut dire qu'il y a eu onze morts et sept blessés graves.
Moi. -(Je ne peux réprimer un sourire.)
Jason, s'engouffrant dans la brèche. -Mais non ! Ça veut dire qu'il y a eu onze morts et un douzième, très malade.

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23 octobre 2007 2 23 /10 /octobre /2007 22:51
aube-tropicale.jpgJe me lève à cinq heures et demie du matin. Je me sens mal. Je n'ai pas assez dormi, et mon rhume a dégénéré : j'ai le nez pris, la gorge enflammée, les yeux chassieux. J'ai peut-être un peu de fièvre. Ni le petit déjeuner, ni la douche ne parviennent à chasser ce malaise physique. Je me sens lent, lourd et mou. Mais je ne veux pas perdre une deuxième journée de salaire. Je vais y aller. Ça va passer. Nurofen, Betaselen, Pertudoron, Amen.

Au moment où je vais sortir, mon fils se lève à tâtons : il a perdu sa tétine. J'en profite pour l'embrasser. Je n'aime pas ces journées où je ne le retrouve qu'au soir.

Sitôt dans la rue, je passe mes écouteurs, mais pour une fois, la merveilleuse vitamine que constitue la musique brésilienne ne me donne aucune énergie. Au contraire, en écoutant Fio maravilha, je me mets à rêver d'une carrière de footballeur professionnel.
E novamente ele chegou com inspiraçao
Com muito amor, com emoçao,
com explosao e gol !
Je regarde la laideur de ma ville endormie et froide, qui devient presque irréelle avec cette bande son tropicale où il est question de samba, de joie de vivre et d'amour.

Une fraction du personnel ferroviaire continue une grève privée, et le RER B roule mal. Renonçant à égrener les mauvaises nouvelles, le panneau d'affichage se met prudemment hors-service. Les voyageurs coincés sur le quai attendent dans un silence terrifiant. On sent, presque matériels, la fatigue, l'ennui et la résignation. De gros escargots se sont collés au plafond blanc du quai ouvert et attendent là que la prochaine pluie les réveille. Il fait froid.

Une rame finit par arriver. Durant le trajet qui m'emmène à Châtelet, je me bats pour ne pas fermer les yeux. J'avais prévu de corriger quelques copies d'élèves mais j'en suis tout bonnement incapable. Le fait d'aller prendre un stylo rouge dans mon sac à dos, puis d'en sortir la liasse de copies me paraît un effort surhumain. La médiocrité du travail de mes élèves me pèse tout à coup comme si elle était la mienne, et j'ai le cafard -en plus de tout le reste. Pour me changer les idées, j'essaie d'imaginer la vie des autres voyageurs. Elle, c'est Aïchata, elle vient de terminer le nettoyage nocturne des locaux d'une grande société implantée dans la banlieue sud, et elle va vers d'autres sols, d'autres corbeilles à papier, en pensant à ses enfants qu'elle a dû laisser sous la responsabilité de l'aîné. Lui, c'est Ahmed, vu sa carrure il doit être vigile, ou quelque chose comme ça. (Merde, qu'est-ce que je fais au milieu de ces pauvres ? Je devrais être en train de terminer ma nuit dans la plus grande chambre d'un confortable appartement, avant d'enfiler un costume anthracite pour ma journée de cadre moyen-supérieur). Plusieurs personnes lisent la Bible ou le Coran. Et lui, là, qui me fait penser à mon élève Alberto avec sa brosse rousse, c'est José, qui a passé une nuit bien remplie de serial killer et rentre chez lui pour savourer le souvenir de ses crimes. Horribles.

Le train se traîne et met près de vingt minutes pour aller de Port-Royal à Saint-Michel. C'est à peu près le temps que j'aurais mis à pied. Le conducteur nous adresse de temps en temps, d'une voix bourrue, des invitations à la patience. Comme nous sommes bloqués dans un tunnel, portes verrouillées, je ne voix pas ce que nous pourrions faire d'autre.

A Châtelet, foule considérable pour une heure aussi matinale. Beaucoup d'étrangers, qui comptaient sur le RER B pour aller à l'aéroport de Roissy, constatent avec panique que ça ne va pas être possible. Je les aiderais volontiers, mais je suis déjà très en retard. Et les escalators en panne ne vont pas me faire rattraper le temps perdu.

A Saint-Lazare, de nouveau, des gens, des gens, des gens -trop, pour tout dire. Une telle profusion d'humanité est-elle bien nécessaire ? D'autant que ces gens ont des enfants. Copulation and mirrors are abominable.

Sur le quai de la ligne 14, il est là. Voilà trois ans que je le retrouve, assis toujours au même endroit, à sept heures du matin. Tête rougeaude de vicelard, avec un nez pointu et des lunettes assez épaisses. Il lit Union, le magazine international des rapports humains, avec une application extraordinaire. Il ne bave pas, on pourrait presque dire au contraire qu'il étudie posément les photos et les récits pornographiques. Qui sait, c'est peut-être un universitaire en plein travail ("Je me cache même plus : une observation participante de la misère sexuelle en milieu ferroviaire").

Ligne 13. A la station Liège, des céramiques lugubres évoquent les paysages des Ardennes belges. A Guy Môquet, de grandes photos du martyr, 4 mètres sur 3 ; cet immense visage reproduit à l'identique sur toute la longueur du quai a quelque chose d'inquiétant. J'ai peur que toutes ses bouches ne commencent à me réciter la lettre. "Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, je vais mourir !" Pitié, ô conscience géante ! -A Saint-Denis Basilique, les images du sanctuaire royal pâlissent au fil du temps. 
Ma gorge me fait de plus en plus mal. Je n'en ai pas sorti un son depuis mon réveil, il y a deux heures.

Terminus. Les passagers se ruent vers l'extérieur, piétinant les journaux gratuits qui jonchent le sol. J'ai l'impression que ces 90 minutes de trajet ont déjà épuisé toute mon énergie de la journée. Staincy est encore plongée dans l'obscurité. Je vois quelques immeubles, une grue, un arbre qui a gardé une poignée de feuilles sous la lumière du lampadaire. Des fantômes. Des fantômes moches et trop réels. 
Au moment où je vais traverser la rue, un bus manque de m'écraser. Ironiquement, c'est à ce moment que commence sur mon baladeur le sublime Manha de carnaval, de Luiz Bonfa.
Manhã tão bonita manhã
De um dia feliz que chegou
O sol no céu surgiu
Em cada cor brilhou
Voltou o sonho então ao coração
("Matin, si beau matin / D'un jour heureux qui arrive / Le soleil dans le ciel a surgi / Et brille dans chaque couleur / Le rêve est de retour dans mon coeur").

Je me précipite vers le collège, où les élèves ont commencé de rentrer. J'ai très envie de pisser et je dois faire des photocopies pour le premier cours de la matinée. Va-t-il falloir choisir entre les deux ? Dans l'escalier, je croise quelques collègues et je leur demande en haletant "La photocopieuse marche ?
-Laisse tomber, y a un bourrage que personne n'a réussi à réparer. Et en plus, on n'a plus d'A4. Ça va, t'as pas l'air bien ?" Sans répondre, je me rue vers les toilettes.

Je suis très en retard. La cour est sombre comme un trou. Je vois des formes humaines qui stagnent çà et là. Mes élèves m'attendent tout au fond. Quand j'apparais, je suis accueilli par une exclamation déçue : "Ouah, il est là !" Eh oui, ne croyez pas que ça me fasse plaisir, mais je suis là.
En entrant en classe, je me rends compte que je suis trempé de sueur ; je tremble un peu. Les élèves rentrent un à un. Certains mettent près de cinq minutes pour parcourir les 150 mètres qui séparent la cour de notre salle. Ils se traînent, lesté par un repas qui a essentiellement consisté, pour bon nombre d'entre eux, en bonbons. Ils mondanisent, échangent des bises et des commentaires sur les évènements sportifs du week-end. Je sens mal mon cours sur les libertés fondamentales.
La porte s'est refermée depuis deux minutes environ. Les élèves sortent sans bonne volonté excessive leurs affaires de leur cartable. Et puis le voilà. Naoufel. Sa face d'ahuri m'énerve instantanément. Il ne dit ni bonjour, ni excusez-moi, ni quoi que ce soit. Il entre juste comme il entrerait à la supérette du coin.
"Bonjour, Naoufel. On peut connaître le motif de ton retard ?
-mmmf mmmf mmmmmmmmmmmmmf.
-Pardon ?
-Jsuis allé dans la cour, yavait personne, suis monté ici, j'ai vu personne, alors bon, pis j'avais oublié la salle.
-Non mais tu te moques de moi. On a toujours cours dans la même salle enfin, depuis le début de l'année ! T'as déjà passé une trentaine d'heures de ta vie en 41 H, c'est pas suffisant pour que tu t'en souviennes ? Tu te rappelles pas qu'il y a quatre jours, tu as signé un contrat où tu t'engageais notamment à arriver à l'heure aux cours ? Naoufel ?"
Il m'a ostensiblement tourné le dos, et se dandine sur place. Les autres le regardent en rigolant. Je crois qu'il danse. Je me mets à hurler, je bafouille ; une goutte de sueur coule en travers de mon visage. Les spectateurs n'osent plus rire.
"Bon, puisque c'est comme ça, je te vire. A la porte.
-Ouah, me parlez pas comme ça, d'abord."
Il s'en va. Et je suis obligé de le rattraper dans le couloir, parce qu'il faut, avant qu'il ne s'en aille, que je remplisse pour la bonne forme un formulaire d'exclusion. Une vraie scène d'opérette. Je sens au fond de ma gorge ma voix brisée par les cris.

Une aube d'une beauté magique enflamme peu à peu le ciel pollué de Staincy, entre deux barres de HLM que l'on voit par la fenêtre. Il est huit heures dix.
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20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 17:29
Lundi 22, je ne lirai pas à mes élèves la lettre de Guy Môquet. Je trouve cette lettre émouvante, je ne suis pas un rebelle, et la fatwa lancée par le SNES à ce sujet me laisse absolument froid. Différentes raisons m'ont pourtant amené à cette décision, et j'aimerais les exposer ici.

D'abord, le plus grand flou a régné dans les instructions données, d'abord par les ministères, puis par les rectorats. Tous les enseignants doivent-ils lire la lettre à leurs élèves, ou seulement ceux qui sont susceptibles de savoir l'expliquer dans ses détails, c'est à dire les professeurs d'histoire ? Et dans ce cas, la lecture doit-elle être effectuée à tous les niveaux du collège ou seulement devant les classes dont le programme comporte l'étude de la seconde guerre mondiale, c'est-à-dire les troisième ? Mais que faire alors pour ceux qui ne voient pas leur professeur d'histoire ce jour-là ? L'exercice est-il unique ou destiné à se reproduite tous les ans, ce qui ferait du 22 octobre une sorte de "Guy Môquet's Memorial day" un peu absurde ?
Après examen attentif de la circulaire rectorale, le principal de mon établissement et moi-même sommes arrivés à la conclusion que c'était bien les professeurs d'histoire qui devraient se charger du pensum -et ce, dans toutes les classes, sans distinction de niveau. Il est bien évident dès lors que la lecture de la fameuse lettre arrivera dans la quasi-totalité des cas comme un cheveu sur la soupe.
Passe encore avec les classes de quatrième, dont beaucoup sont actuellement en train de travailler sur une leçon d'éducation civique intitulée "Les droits individuels" : on devrait pouvoir y rattacher la figure de Guy Môquet. Les élèves de troisième ne commenceront à étudier la seconde guerre mondiale que dans un mois au plus tôt ; mais baste, on considérera que la séance de lecture obligatoire du 22 octobre constitue une sorte de mise en bouche. Mais pour les plus jeunes, sixième et cinquième, je ne vois vraiment pas comment nous allons nous y prendre. Mes plus jeunes élèves sont en ce moment au coeur d'une leçon de géographie portant sur le peuplement de la planète et leurs aînés viennent de commencer le cours sur l'Islam. Il faudra donc, si j'obéis à ma hiérarchie, que je laisse tout en plan, et que j'ouvre une parenthèse d'une heure pour les chapitrer sur l'esprit de résistance, ou bien, encore pire, que j'expédie la chose en cinq minutes, en début d'heure, avant de reprendre le fil des affaires courantes !
Tout ça n'est pas très sérieux. Et pour quiconque connaît le public des ZEP, la difficulté qu'il y a à capter son attention et son absence total d'esprit de suite (la leçon faite le vendredi après-midi est complètement oubliée le lundi matin), un tel excursus ne peut apparaître que comme une absurdité pédagogique. On voit assez bien les répercussions d'une immixtion purement politique dans le temps contraint du travail scolaire.

Et cela risque d'avoir un effet pervers beaucoup plus grave -même si je me demande, au fond, s'il n'y aurait pas là une intention assez claire de la part du gouvernement. Faute de pouvoir expliquer dans leur complexité les tenants et les aboutissants d'un évènement historique, nous risquons, nous professeurs, de devoir nous en tenir à exalter une figure héroïque totalement décontextualisée. Guy Môquet quittera le domaine de l'histoire et des faits pour devenir une espèce d'abstraction exemplaire -un objet susceptible, comme le prouvent ses mésaventures actuelles, de toutes les manipulations, à commencer par celle qui l'aménera directement à l'insignifiance la plus complète.
"Mes chers enfants, les Nazis étaient vraiment très méchants, et la preuve, c'est qu'ils n'ont pas hésité à mettre douze balles dans le corps de l'auteur, qui aimait bien sa maman et ses copains, comme le prouve sa lettre charmante. Donc ne devenez jamais des Nazis, ne fusillez pas ceux qui vous déplaisent, et si un jour on vous condamne à mort, n'écrivez pas votre dernière lettre en SMS, bande de cancres."
Franchement, ce genre de simplification ne figure pas parmi mes pratiques pédagogiques préférées, et elle m'apparaît même dangereuse et malhonnête ; car sans tomber dans le relativisme, je ne crois pas que la tâche de l'école soit de panthéoniser telle ou telle figure dans l'esprit de ses élèves, de les inviter à suivre tel ou tel héros. Je ne suis pas un professeur de morale. Je suis un professeur d'histoire. J'enseigne, j'essaie d'enseigner, la complexité du réel. Et je m'adresse, je le rappelle, à de jeunes esprits qui ne sont déjà que trop enclins à simplifier les choses. Si j'ai bien compris -tout lecteur de ces lignes est cordialement invité à me détromper-, on me demande le 22 octobre de faire quelque chose de contraire aux raisons mêmes pour lesquelles je me suis engagé dans cette profession.

Et puis, je pense que la lecture de cette lettre ne pourra que mal se passer. On ricanera des mots tendres que Guy Môquet, au seuil de la mort, a adressé aux siens ; on se bouchera les oreilles en sachant que cette lettre nous est en fait adressée par Nicolas Sarkozy ; et je pense qu'un élève intelligent ne manquerait pas de me demander : "Eh msieu, si on a l'esprit de résistance, comme Guy Môquet, qu'est-ce qu'on doit faire quand un élève du collège est embarqué par la police et renvoyé dans un pays qu'il a quitté à l'âge de quatre ans ? Et qu'est-ce qu'on devra faire quand la police prélèvera notre ADN pour le garder à vie dans ses fichiers ?" Et je lui répondrais : "Je ne sais pas, écris à Henri Guaino, il a certainement plein de jolies choses à te dire à ce sujet."

Finalement, le héros, ce sera moi : je désobéirai à un ordre que je trouve absurde et nocif.

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19 octobre 2007 5 19 /10 /octobre /2007 11:07
DSCN1025.JPG

 

Je sens que la mère de Naoufel est sur la défensive au début de notre entretien. "C'est les autres qui le provoquent... Vous savez, il est très gamin Naoufel, il ne peut pas s'empêcher de répondre..." Elle est un peu désarçonnée quand elle s'aperçoit que je ne lui fais aucun reproche, que je n'élève pas la voix, que j'ai plutôt envie d'aider son fils à sortir du trou qu'il a creusé de ses propres mains. Elle se radoucit, et en même temps devient de plus en plus amère :
"Vous savez monsieur, on fait tout ce qu'on peut pour ses enfants, tout, et qu'est-ce qu'on a comme résultat ? On a ça (elle désigne son fils). J'ai un aîné, il a dix-huit ans, il n'a jamais rien fait à l'école, et maintenant il passe ses journées à traîner à la maison, il ne fait rien. Et je dis à Naoufel : tu veux devenir comme lui ? C'est ce que tu veux faire de ta vie ? Il rentre le soir, il pose son cartable quelque part, et il ne le rouvre plus jusqu'au jour suivant. Il va voir ses copains, et c'est que des mauvaises fréquentations. Et moi, je ne peux pas être toujours derrière lui, je ne peux pas toujours vérifier qu'il a fait ses devoirs, j'ai du travail, je dois m'occuper de mes autres enfants.
-Bien sûr que non madame, de toute façon, Naoufel est un grand garçon, et vous ne pouvez pas vivre sa vie à sa place.
-Oui, mais vous comprenez, ça fait mal au coeur monsieur, ça fait mal au coeur. On fait tout ce qu'on peut pour eux, et voilà le résultat.
-Bon, on va essayer de lui donner une dernière chance, mais il faut que tu la prennes. Hein Naoufel ? Tu comprends ce que ta mère et moi sommes en train de dire ?"
Blême, les lèvres pâlies, Naoufel courbe la tête et semble incapable de dire un mot. Lui qui, lors du dernier cours de mathématiques, a passé dix minutes à ramper sous les tables, avant que son professeur ne parvienne à l'attraper pour l'exclure de la classe. Lui dont les copains ont ensuite insulté le même professeur de mathématiques à la sortie du collège.

Je détaille les termes du contrat que j'ai préparé pour lui. Il s'engage à entrer dans les classes calmement, à avoir le matériel demandé, à rester assis sur sa chaise pendant les heures de cours, à écouter les enseignants. Eh oui, il faut contractualiser ces choses simples. A la fin, j'insiste sur le fait que l'indiscipline de Naoufel est liée au fait qu'il ne comprend plus les leçons, et qu'il aurait grand besoin de s'inscrire aux cours de soutien gratuits qui sont organisés au sein du collège, même si je ne peux pas l'y obliger : il doit en prendre l'initiative. "Mais monsieur" me dit sa mère, qui ne peut plus s'arrêter, "Naoufel, même en CM1 il ne réussirait pas à suivre." Je lui dis qu'elle exagère, mais au fond elle a raison. C'est plutôt par acquis de conscience que j'ai proposé un rattrapage.
A la fin de notre discussion, la maman me remercie mille fois et, dans ce geste qu'ont les Arabes et que je trouve très beau, elle porte la main à son coeur en signe de gratitude.

Une fois, en son absence, j'ai demandé aux élèves de la classe de Naoufel : "Est-ce qu'il a un projet dans la vie ? Qu'est-ce qu'il veut faire plus tard ?" Éclat de rire général. "Monsieur, laissez tomber. Pour le métier que veut faire Naoufel, l'histoire-géo, ça sert pas à grand chose." 
A la fin du cours, deux ou trois élèves sont restés pour mettre les points sur les i. Ce qui intéresse le jeune homme, c'est de faire comme son grand frère, du bizness. En une fraction de seconde, la vie de ce garçon que je trouvais mou et puéril défile sous mes yeux en une série de clichés : le gué au bas des tours, les barrettes qui circulent, le fric, la belle vie, puis Fleury, les embrouilles, le règlement de compte fatal avec un concurrent de la nouvelle génération. Comment parler de ça à sa mère ?

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18 octobre 2007 4 18 /10 /octobre /2007 16:14

Aujourd'hui, je ne suis pas allé travailler. Mais je tiens à préciser que je ne suis pas gréviste. Je l'ai bien dit au secrétariat : "Pour l'amour du Ciel, ne me comptez surtout pas parmi ces gens-là !" 
En temps normal, il y a environ une heure un quart par les transports en commun entre mon domicile et Staincy-en-France. Aujourd'hui, la ligne B est morte, et sur la ligne 13 on annonce un train sur sept. Je n'ai pas mon permis. Il me faudrait environ quatre heures à pied, deux heures en vélo (en traversant Paris du Sud au Nord, de la porte d'Orléans à la porte de Saint-Denis). Il est par ailleurs impossible que je déplace mes cours, car l'emploi du temps des classes que j'aurais dû avoir aujourd'hui est plein comme un oeuf. Je vais donc perdre une journée de salaire à cause d'un mouvement social lancé sur des mots d'ordre que je réprouve totalement. 
Personnellement, je ne souhaite pas que mes impôts servent à abonder les caisses déficitaires des régimes spéciaux. Chaque interview de cheminot, à la radio, ajoute à ma rancoeur. "Oui mais c'est normal qu'on parte plus tôt à la retraite, on soulève des objets lourds." Bon sang, si c'est des verres d'anisette que vous voulez parler, vous n'avez qu'à diminuer les doses ! Je peux encore comprendre ce discours quand il s'agit des ouvriers qui sont chargés de poser les rails, ou de nettoyer le ballast, mais quid des guichetiers, du personnel travaillant en gare, des contrôleurs qui doivent tout de même représenter 90 % des effectifs ? Où est la pénibilité particulière de ces professions, par rapport à celles d'infirmière, d'enseignant, de maçon ou d'agriculteur ? (Je rappelle que ces derniers peuvent prétendre à une retraite à taux plein à l'âge de 60 ans, c'est à dire qu'en l'état actuel des choses ils doivent travailler 10 ans de plus qu'un conducteur de TGV, qui bénéficie par ailleurs de vacances et de longues plages de récupération).

Mais je m'égare (Saint-Lazare). Un mouvement de grève a également été lancé par le SNES dans l'Éducation nationale. J'ai un de leurs tracts sous les yeux. L'auteur récite ses gammes : "mouvement social" contre "réformes libérales" (cet adjectif est si mal connoté en France qu'il n'est même plus nécessaire de l'affubler du préfixe "ultra-" pour faire sentir toutes ses potentialités sinistres) ; nécessité de la "lutte" pour envoyer des "messages forts" et faire à terme "reculer Sarkozy" ; refus de céder quoi que ce soit, par crainte de mettre le doigt dans un engrenage fatal ; absence totale de toute espèce de contre-proposition un tant soit peu crédible. Un passage me paraît particulièrement significatif, et je le reproduis : 

"C'est le démantèlement de tout un modèle social, fondé sur la solidarité issu des idéaux de la Résistance et même de l'héritage gaulliste, qui est organisé. Tout cela sous couvert de pragmatisme et de modernisation mais en réalité au nom de la plus pure idéologie libérale : individualisation, mérite, concurrence, remise en cause du rôle de l'État et des services publics..."

A la lumière de cette dernière énumération, je me découvre violemment libéral. 

1) Je n'ai pas envie d'être traité par l'institution à laquelle j'appartiens comme simple élément d'un ensemble ; je préférerais être considéré comme un individu. Et je souhaiterais pouvoir, comme professeur, sortir de l'enseignement de masse pour donner plus de temps et d'attention à ceux qui me montrent qu'ils sont prêts à en tirer profit -quitte à laisser les saboteurs et les invertébrés à leur triste sort. 

2) Je suis pour la reconnaissance du mérite -le mien, si j'en ai, comme celui de mes élèves les plus volontaires. Et j'irai même plus loin : je suis également favorable à la reconnaissance de l'absence de mérite. 
Petite anecdote. En cours d'année scolaire, le principal de chaque collège de France est invité par son rectorat à donner une note administrative à ses enseignants ; exercice purement mécanique, puisque la coutume est d'augmenter la note des jeunes professeurs de 0,5 point, et celle des plus âgés de 0,1 point. Mais il se trouve que notre principal avait, l'année dernière, décidé de rompre avec cette tradition absurde. En ouvrant les yeux, il a constaté que certains enseignants avaient initié des projets, emmenaient régulièrement leurs élèves en sortie, donnaient de leur temps sans compter ; tandis que d'autres manquaient jusqu'à deux mois de cours par an ou se bornaient strictement à l'accomplissement de leur service statutaire. Il a donc proposé, pour les premiers, des notes en forte augmentation, pour les autres, le statu quo. 
Que croyez-vous qu'il arriva ? Le rectorat fit droit aux réclamations de tous ceux qui, s'estimant lésés, avaient protesté, et réclama des explications pour les augmentations de notes anormales. Vive l'égalitarisme ! Il donne aux travailleurs l'assurance que leurs efforts ne seront jamais récompensés autrement que par l'immatérielle satisfaction d'avoir fait leur devoir. 

3) Je ne suis même pas hostile à la concurrence. J'ai de l'estime pour les ambitieux, pour ceux qui cherchent à devenir les meilleurs. Certains de mes élèves sont déçus quand ils ont 17 de moyenne mais qu'ils ne sont que deuxième de leur classe. J'ai, je dois le reconnaître, une immense sympathie pour eux -en tous cas beaucoup plus que pour les moules qui ne veulent rien apprendre et qui accueillent les zéros avec un haussement d'épaule. 
Mais le problème est que ce point de vue est loin d'être celui de tous mes collègues ; et j'ai parfois l'impression que certains détestent franchement les élèves méritants. Un méritocrate en effet, un gamin qui, issu d'une famille pauvre, réussit à l'école, qu'est-ce que c'est ? C'est un jeune individu conformiste et individualiste. Il ne conteste pas l'ordre des choses, mais se propose de tirer parti du système existant ; et il travaille à sa propre réussite. Autant de traits de caractère franchement haïssables pour les enseignants syndiqués au SNES et plus généralement, pour tous ceux qui sympathisent avec l'idéologie d'extrême gauche. Mieux vaut s'intéresser aux cancres, dont le profil de victimes absolues est tout de même autrement présentable.

Il y a quelques syndicalistes chez nous, et je dois dire que je ne les aime pas, mais alors pas du tout. Ils préfèrent s'investir dans toutes les instances où il est possible de mettre des bâtons dans les roues de la hiérarchie, plutôt que dans les projets pédagogiques. Ils sont méfiants envers ceux qui ne partagent pas leur credo, comme s'ils voyaient en eux l'ennemi politique plutôt que le collègue. Et, à cause de cette méfiance générale ou pour une autre raison, leur comportement quotidien est souvent aux antipodes des valeurs qu'ils prêchent (l'une de mes collègues d'histoire-géo, militante SNES, va jusqu'à chaparder les fournitures communes pour les mettre sous clef dans sa classe). Ils se ressemblent tous, maigres, petits yeux, mal fagotés. Beurk. 

Enfin, il faut voir le bon côté des choses. Ce matin, je me suis levé tard, et j'ai savouré mon café en écoutant le programme de jazz qui a remplacé les émissions habituelles sur France Culture. Puis je suis allé au marché. Dans la file d'attente de la boucherie chevaline, les clients parlaient du divorce du couple Sarkozy. Puis l'un d'eux a évoqué la grève dans les transports et a conclu son analyse (sommaire) par un prévisible "J'espère que Sarko va bien les niquer." J'ai failli acquiescer.

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17 octobre 2007 3 17 /10 /octobre /2007 10:17

Cantine des professeurs, midi un quart.Clown.jpg

-Ça va Ali ?
-Le numéro que vous avez composé n'est pas attribué. Veuillez consulter le service des renseignements.
-A ce point là ?
-Ah mais écoute, je sors d'un cours avec les quatrième G...
-Ah d'accord, je comprends mieux.
-... G comme génie. C'était une leçon d'éducation civique sur le droit à la vie privée. J'avais décidé de partir de l'exemple des tests ADN. La discussion commence bien, mais, par un scrupule de méthode complètement idiot, je me mets en tête de leur expliquer ce que c'est que l'ADN. Je fais de mon mieux, et pour les intéresser, je leur dis en conclusion : "Quand un assassin commet son crime, on peut le retrouver grâce à son ADN, il suffit qu'il laisse un cheveu, ou une goutte de sueur." Et là Camélia...
-Cette pétasse de Camélia...
-Tu m'ôtes les mots de la bouche. Tu sais qu'hier je l'ai surprise en train de se maquiller pendant mon cours ? Elle se mettait du mascara, tranquille, en pensant que je regardais ailleurs. Enfin passons. Cette pétasse de Camélia me demande donc d'un air ingénu : "Et dans le caca, msieu, ya de l'ADN ?"
-C'est pas possible.
-Tu connais la nana et tu sais donc aussi bien que moi que c'est parfaitement possible. Et j'étais tellement scotché par la bêtise et la vulgarité de cette sortie que je n'ai même pas relevé. Du coup, tous les autres ont embrayé, et pendant un quart d'heure, ça a été caca time : caca par ci, caca par là, et caetera. On se serait cru dans une récréation de maternelle, c'était hallucinant. Et bon, à la fin, il n'y avait plus rien à faire, alors j'ai gueulé, et ils ont noté leur leçon sans une explication. Et c'est vraiment con parce que le sujet les intéressait, au début ils participaient bien. Mais ils ne peuvent pas s'empêcher de faire les cons. Quinze minutes de concentration, c'est leur maximum absolu.
-Écoute, dis-toi qu'on fait un métier formidable. On se marre, et puis on voit des trucs incroyables, non ? Il faut avoir fait prof au moins une fois dans sa vie !
-OK, mais au bout d'un moment, il faut faire autre chose, si on a un minimum d'estime de soi. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse de pareilles créatures ? Il faudrait que je tire quelque chose du cerveau de Camélia Caca ? Et comment ? Merde, c'est plus de l'enseignement qu'on nous demande de faire, c'est de la magie ! -Tiens, en parlant d'arts du cirque, je voulais te parler d'un truc aussi. Ça concerne tes sixième. Tu vois ça ?
-Qu'est-ce que c'est ?
-D'après ce que m'ont expliqué des élèves bien informés, c'est une bille de plastique qu'on tire normalement avec un pistolet à air comprimé, dans les fêtes foraines.
-Ah me dis pas qu'un de mes gamins est venu au collège avec un pistolet, s'il te plaît !
-Pas encore, mais j'ai l'impression que ça n'est qu'une question de temps. Ce qu'ils font pour l'instant, c'est qu'ils vident leurs stylos, et ils s'en servent comme sarbacanes. Et le résultat est vachement efficace : ça fait hyper mal à la personne visée, mais c'est tellement petit que tu ne retrouves le projectile qu'en regardant le carrelage pendant un quart d'heure à la fin du cours. Bilan, t'as un élève qui beugle comme un veau, mais que tu soupçonnes fortement de jouer la comédie, puisque tu n'as rien vu. Et ton cours part en couille que c'en est une merveille. Je soupçonne Enzo d'avoir allumé Hind, mais j'ai aucune preuve. Enfin, passons. Et toi, ça va ?
-Oh écoute, je viens de passer une heure avec mes sixième SEGPA...
-Ah ouais, c'est la classe d'Ibrahima.
-Bon, bah voilà, si même toi qui ne l'as pas comme élève, tu le situes aussi bien, ça dit tout.
-Il est si terrible que ça ?
-Ah mais écoute, il a un méchant pèt' au casque, hein. Il devrait être aux urgences psychiatriques, plutôt que dans des cours d'arts plastiques. Il est totalement parano et hyper agressif. Aujourd'hui, on travaillait sur du volume, donc les élèves avaient la possibilité d'utiliser toute sorte de matériel. Eh ben, en l'espace de cinq minutes, il a essayé d'aveugler son voisin en le pointant avec le pistolet à colle ; et ensuite, avant que j'aie eu le temps de l'exclure du cours, il a essayé de lui agrafer les joues.
-Yo.
-Et il y en a encore deux ou trois autres, dans cette classe, qui ont les fils qui se touchent. Je te dis, quand je les ai, j'y vais la peur au ventre, alors qu'ils ne m'arrivent pas à l'épaule. Je ne peux même plus leur tourner le dos pour noter quelque chose au tableau !
-Eh ben. C'est quand les vacances ? Le 25 ? -Tiens, salut Albert ! Ça va ?
-Non. Connais-tu Zlatko Marinkovic ?
-Oui, je l'ai eu en sixième et en cinquième.
-On est d'accord que c'est un sale con ?
-On est tout à fait, absolument d'accord.
-Bon, dans mon cours, je parle du SIDA, des moyens de se protéger, etc. Et Zlatko, qui me chauffait depuis quarante-cinq minutes, me demande d'une voix doucereuse : "Monsieur, c'est quoi un préservatif ? Monsieur, c'est quoi un homosexuel ?" Et les autres, évidemment, se marraient comme des baleines. Alors il continue son petit cirque, et au bout du compte, sa question, c'est : "Monsieur, c'est quoi un acte sexuel ?" Alors là, sans que j'aie le temps de calculer quoi que ce soit, je m'entends lui répondre : "T'as qu'à demander à ta mère, putain !"
-Ah ah ah !
-Eh ben ouais, la classe a bien rigolé aussi, mais maintenant je fais quoi si elle me téléphone ?
-Tu lui dis que si elle s'était mieux protégée autrefois, on n'en serait pas là.
-Ouah, mais qu'est-ce que c'est que ça ? C'est censé être du hachis parmentier ?
-Mon ami, relis Astérix légionnaire : plus la nourriture est mauvaise, plus l'armée est puissante -et vice-versa.
-Je ne savais pas que l'Éducation nationale était si puissante.

 

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16 octobre 2007 2 16 /10 /octobre /2007 09:35
"Msieu, comment ça s'écrit URSS ?"
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15 octobre 2007 1 15 /10 /octobre /2007 00:27

Je me trouve sur le quai du RER. Un petit groupe s'arrête à côté de moi : deux femmes, trois enfants. Je ne parviens pas à déterminer le lien entre eux. L'un des enfants, un petit garçon de sept ou huit ans, porte un survêtement flambant neuf. Il voudrait bien retrousser ses manches, mais il n'y arrive pas. L'une des deux adultes s'approche de lui, constate que le tissu est un peu décousu et s'enerve. "Oh, mais qu'est-ce que t'es con comme môme ! On t'a fini à la pisse, c'est pas possible autrement !" A voix basse, le gamin essaie poliment de se justifier. "Ta bouche !" lui répond la mégère. "Ta bouche !" Et elle s'absorbe dans une conversation avec l'autre femme, non sans jeter, de temps à autre, une insulte à l'enfant pétrifié sur le quai.

Quel élève, quel être humain peut devenir celui qui subit de telles humiliations ? Et comment ai-je pu être assez lâche pour ne pas intervenir ?

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14 octobre 2007 7 14 /10 /octobre /2007 23:58

Montagne.jpgCette question, je l'ai posée à mes élèves de quatrième lors d'un contrôle. Pour y répondre, il suffisait d'avoir mémorisé les deux phrases suivantes : "Au nord de l'Europe -de la région parisienne jusqu'à la Russie- s'étend une vaste plaine fertile. Le Sud est dominé par quelques chaînes de haute montagne (exemples : Alpes, Pyrénées)." On voit que je ne cherche pas à saturer la mémoire de mes jeunes de détails inutiles ; on voit aussi que, ayant nettement abaissé le niveau de mes cours, j'ai en toute logique abaissé celui des évaluations. Désormais, tout élève ayant appris sa leçon et sachant la réciter est assuré d'obtenir la moyenne. J'ai quasiment renoncé aux questions de réflexion, qui donnaient toujours lieu à de vives protestations lors du contrôle, puis de nouveau lors de la correction : les élèves y voyaient un procédé déloyal. "Eh mais msieu, comment on pourrait savoir ça ? Vous nous l'avez pas dit !" Et quand on leur suggérait de penser, ils poussaient de profonds soupirs.

A ma question sur le relief de l'Europe, donc, sur une classe de 23 :
-9 élèves n'ont rien répondu (ou se sont bornés à recopier l'énoncé) ; 
-une élève a répondu par ce simple mot : "Les montage" ;
-3 élèves ont répondu par des formules d'un vague absolu ("Je sais qu'il y a beaucoup de montagnes en Europe et beaucoup de plaines aussi", "L'Europe a un relief très montagneux") ;
-une élève a répondu "Il est chaud mais pas très montagneux" ; un autre, "Il y a eu un sunami et des cyclones" ; un autre, "Le relief de l'europe s'agrandi de jours en jours car elle contiene des banlieus des citées".  Ces trois derniers cas me paraissent les plus inquiétants car ils laissent supposer que la notion de "relief" (expliquée en CM2 et en sixième et constamment utilisée depuis) n'est pas comprise. 
-Enfin, une seule élève a donné une réponse suffisamment complète pour mériter les deux points que valait cette question.  

Ces résultats sont d'autant plus remarquables que je me suis aperçu, à la fin du contrôle, que j'avais oublié de décrocher du tableau la grande carte murale de l'Europe physique et que, pendant que les élèves composaient, la réponse se trouvait sous leurs yeux.

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13 octobre 2007 6 13 /10 /octobre /2007 00:32

Jeudi, ma journée s’est bien passée. Un tel énoncé paraît banal, mais en réalité il tient presque du prodige. Au cours de mes cinq premières heures de cours, je n’ai pas le souvenir d’avoir dû punir qui que ce soit. Pas une seule fois je n’ai eu besoin de hurler pour imposer ma voix. Les élèves ont travaillé, exécutant avec une rapidité inhabituelle les consignes que je leur donnais. Les connaissances semblaient passer avec une fluidité étonnante de mon cerveau aux leurs. Parfois, l’un d’eux levait gentiment la main pour me poser une question, et celle-ci était intéressante. J’avais l’impression que mon cours n’était pas assez ambitieux, que je ne parviendrais pas à étancher leur curiosité. Durant l’heure de vie de classe avec la quatrième dont je suis professeur principal, les élèves s’écoutaient les uns les autres, argumentaient leurs opinions, tentaient de comprendre mon point de vue et, dans certains cas, paraissaient même disposés à entamer un sincère examen de conscience. Ils se montraient tous respectueux à mon égard, beaucoup me donnaient même des signes certains de sympathie. Au début j’étais surpris et je restais méfiant ; mais au milieu de l’après-midi, j’avais des frissons et je me sentais simplement heureux d’être là. En quittant mon cours, Agit s’est même arrêté pour me dire : « Monsieur, vous êtes drôlement souriant, comme prof. » Je me demandais si la poudre blanche que j’avais mise dans mon café du matin était bien du sucre. A la récréation de 15 h 30, n’en pouvant plus, j’ai gravi quatre à quatre les escaliers du bâtiment 1 et, agrippant par la manche une collègue dont je ne connais même pas le prénom, je lui ai dit : « Tu sais, mes cours se passent bien aujourd’hui.

-Ah oui ? me répondit-elle d’un air incrédule et las. Pour moi, c’est tout le contraire. Je ne sais pas à quoi ça tient, mais je les trouve complètement surexcités. »

Bien entendu, la dernière heure de cours, où je me réjouissais de retrouver ma classe préférée, s’est très mal passée et a complètement dissipé mon euphorie. Bavardage endémique, mauvaise volonté, multiplication ad nauseam de petits incidents exaspérants : la routine. Mais cette douche froide, si elle m’a calmé, ne m’a pas fait oublier ce dont je m’étais ressouvenu dans le choc de ma surprise heureuse. Ce métier peut être beau ; il a quelque chose à voir avec notre idéal de fraternité. Et je veux aider ceux qui veulent de mon aide.

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