Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Au collège
  • : Je suis professeur d'histoire-géographie au collège Félix-Djerzinski de Staincy-en-France. Ce métier me rend malade et il fait ma fierté. Avant d'en changer, je dépose ici un modeste témoignage.
  • Contact

Compteur

Recherche

5 octobre 2007 5 05 /10 /octobre /2007 23:17
Par les vitres du bus qui emmène ma classe de sixième au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain en Laye, je regarde le paysage qui défile sous la pluie. En un peu moins d’une heure, le changement est hallucinant. Aux quartiers tristes, pauvres et gris de la Seine-Saint-Denis succèdent d’abord, au nord des Hauts-de-Seine, la multitude des bureaux verre et aciers peuplés de costard-cravate affairés ; puis, à partir du Vésinet, la verdure, les jolies maisons aux murs blancs vierges de tout tag, les trottoirs impeccables : la civilisation bourgeoise (pléonasme). Même des yeux aussi peu observateurs que ceux de Sabrina perçoivent la différence. « Ouah msieu, c’est chez les richmans ici ! » Tout excités, les gamins se collent aux fenêtres et ricanent, sans que je sache très bien si cela traduit du mépris pour ce monde étranger, apparemment aseptisé et endormi, ou de l’envie.  
.
DSCN1117.JPGAu cours de la visite, la classe est parfaite. Ils écoutent très attentivement, prennent des notes, font des croquis des silex taillés et des propulseurs –qui ne sont pourtant que des cailloux et des bouts de bois. Devant les crânes de Néanderthal, ils posent des questions troublantes sur la diversité de l’espèce humaine. Quelques-uns s'arrêtent longuement devant la Vénus de Brassempouy. Même les cancres font un gros effort et collent leurs nez sur les vitrines avec une bonne volonté touchante. Leur silence studieux leur fait honneur. Une heure durant, on oublie complètement que ces gamins viennent du féroce 9-3. Ma collègue Catherine et moi-même recevons avec fierté les félicitations de la conférencière.  
.
Dans le bus, leur quotidien reprend. Cindy, une élève de l’UPI (débile légère) affabule gentiment en nous racontant ses vacances chez Justin Timberlake et Briney Spears. Les garçons se lancent dans une longue comparaison de la Wii, de la PS et de la X-box, puis, faute de mieux, jouent à pierre-papier-ciseaux. Frédéric chantonne comme un automate les trois premières paroles du haka néo-zélandais, qu’il a appris sur TF1. Fatoumata et Hind évoquent leurs nombreuses familles et essaient de décider si le fils d’une belle-mère peut être considéré comme un frère. –Nous voici revenus à Staincy. Il pleuvine toujours ; des groupes de grands ados à casquettes et capuches traînent devant le portail comme des vautours en attente d’une carcasse. Dans le vestibule de la cantine, une centaine d’élèves, rendus hystériques par le temps, trépignent, se bousculent et hurlent. Nos gentils sixième disparaissent dans cette masse. Que leur restera-t-il après-demain de cette matinée au musée ? 

DSCN1107.JPG

Ratko, un élève taciturne et plutôt solitaire, regarde le squelette désarticulé d'un Cro-Magnon. A quoi pense-t-il ?

Partager cet article
Repost0

commentaires

S
Sauf que ça s'écrit moron.
Répondre
R
Morron, c'est de l'anglais. Ca veut dire idiot. Pour un terme pejoratif, ce n'est pas tres mechant car ca n'a pas (plus?) de connotation "crade". Un peu comme idiot donc!Merci pour ton blog, c'est un vrai plaisir de te lire!
Répondre
D
Merci à toi pour cette explication !
A
Cher Devine,<br /> Le terme "Morron" avait été utilisé par l'amie du Canada et Ubu ne connaissait pas cette expression...<br /> Quand je fais une citation et que je la mets entre guillemets, je ne la modifie jamais...<br /> Il ne faut pas m'en vouloir: j'essaie de ne pas dénaturer ce qu'on m'écrit. <br /> Amitiés
Répondre
D
Cher Armand,D'accord, je comprends mieux. Et alors, par curiosité, qu'est-ce que ça veut dire ?
A
Cher Devine,<br /> Voici comment Ubu décrit lui-même son école à une canadienne amie (de nos blogs)...<br /> "Mon école est en "discrimination positive" : c'est un statut particulier qui est affecté à pas mal d'écoles bruxelloises (1/4 environ) et qui est calculé à partir de données socio-économiques. En gros, j'ai une large majorité d'élèves dont les parents ne sont pas nés en Belgique et environ 15% d'élèves pour qui le français n'est toujours pas la première langue. Sinon, je ne connais pas le terme "morron" : keseksa ? ;))"<br /> Remarques d'Armand: UBU enseigne le Français... et a une grande culture littéraire. <br /> Amitiés
Répondre
D
Cher Armand,Avec des élèves présentant ce profil, j'espère que le collègue dispose de moyens significatifs ! Les miens sont de petits Français (même s'ils ne veulent à aucun prix le reconnaître) et leur langue est bien le français -un français très pauvre, très laid, mais on peut tout de même encore se comprendre. Ca n'empêche que j'ai souvent le sentiemnt de me trouver ailleurs et franchement, un peu nulle part...Je ne me souviens pas d'avoir employé le terme "morron" ?
D
Cher Armand,Merci pour tes commentaires. J'irai voir le site du collègue belge. Qu'est-ce, au juste, qu'un établissement "à discrimination positive" ? L'équivalent d'une ZEP française ?Oui, il est très difficile de "sortir" les élèves. Pas vraiment pour des raisons logistiques, mais parce que les élèves restent accrochés à leurs références, à leur quotidien, et ont tendance à considérer tout ce qui vient perturber ce train-train comme une intrusion menaçante. Bon, je généralise, mais pas tant que ça au fond. Et il est très difficile d'enseigner quoi que ce soit à des individus si méfiants à l'égard de la nouveauté.
Répondre