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  • : Au collège
  • : Je suis professeur d'histoire-géographie au collège Félix-Djerzinski de Staincy-en-France. Ce métier me rend malade et il fait ma fierté. Avant d'en changer, je dépose ici un modeste témoignage.
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6 juin 2008 5 06 /06 /juin /2008 16:04

Déjà, ça a mal commencé. Patrick est arrivé, il était trop chaud. Il a commencé à dire comme quoi, ouais venez, ya Mohamed des 4°E qui trace du collège, y va taper les mecs de Picasso à l’Etoile, on va y aller aussi. (L’Etoile, c’est le nom du stade). Moi j’y ai dit laisse tomber, mon daron il a dit que si je mmettais dans les embrouilles de cités y mrenvoyait au bled direct. En plus moi, Picasso, jconnais même pas, pourquoi j’irais m’battre avec eux ? Alors Patrick il a dit comme ça ouah rgardez Idriss comment il a trop peur, le ptit bolosse. Et j’y ai répondu viens voir un peu ici, on va voir qui qui a peur. Alors y mfait comme ça qu’est-ce t’en as à foutre, dfaçon Devine il est absent. D’où tu le sais ? jlui fais. Y mdit c’est Djeison qui mla dit hier soir sur MSN. Alors du coup, tous les autres y sont venus autour de nous, un cours en moins, c’est sûr que ça les intéressait trop. Y disaient ouah, on quitte à trois heures, cool. Mais Ibtissem elle a dit Non mais arrête de mytho moi msieu Devine jlai vu dans lcouloir ttàl’heure. Et moi aussi jlavais vu. Djeison, son nom d’utilisateur sur MSN, c’est « Pervers_et_fier_de_letre », non mais sérieux, tu peux faire confiance à un mec comme ça ? Oh. Alors moi jlui fais à Patrick, ouais moi Djeison y m’a dit comme quoi les Martiens y zétaient arrivés chez lui et y zavaient niqué sa mère direct, ben jlai pas cru tu vois. Alors Patrick il a commencé à s’énerver et il a dit allez-y, faites style vous êtes des bons élèves, nous dtoutes façon on y va pas, au cours de c’fils de pute, on va se fight. Et il est parti. Sur le Coran, y sprend trop pour un justicier. Alors qu’en fait il est tout petit, quand ya une bagarre, y reste juste sur le côté à rgarder comme ça, y met juste un coup de latte quand y voit qu’y a un mec de Picasso par terre.

Alors du coup chuis monté en cours avec Ismaïl, et dans l’escalier on a commencé à parler de foot. Lui il dit qu’il aime pas la France et y veut pas qu’elle gagne l’Euro, alors il fait style il est pour le Portugal. Moi j’étais trop pas d’accord avec lui. Y mdit « Cristiano Ronaldo », nan mais t’as vu Cristiano Ronaldo avec sa grosse tête de tapette ? Alors jlui dis « Benzema ! » Y mdit « Cristiano Ronaldo. » Jlui dis « Ribéry ! » Y mdit « Cristiano Ronaldo. » Jlui dis « Anelka ! » Y mdit « Cristiano Ronaldo. » Alors jlui dis « Wahiba », et lui y commence à bouger sa grosse tête comme ça, qu’est-ce t’as dit, qu’est-ce t’as dit, pasquenfait Wahiba c’est le nom à sa daronne et il aime pas qu’on le dise. D’ailleurs personne aime qu’on dise le nom de sa mère, mais nous on aime bien le dire, pasque ça énerve le mec, c’est pas comme si on la traite mais ça énerve quand même. Alors moi jme tire en rigolant et en disant Wahiba, Wahiba, et lui y mpoursuit en mdisant Jvais t’éclater, comment jvais t’éclater mon frère, et on courait à toute vitesse et on a même pas calculé la petite prof qui s’était accroupie pour ranger un truc dans son keuss. On l’a évitée de justesse et elle s’est mise à gueuler, Ouais, mais qu’est-ce que c’est que ces sauvages, non mais vous vous croyez où, les courses de bourrin c’est à Vincennes, elle dit. Moi j’ai répondu Mais on rigooole, madame, faut rigoler dans la vie. Et Ismaïl il a dit d’où vous nous appelez des bourrins, on vous connaît même pas. Et la prof elle l’a cassé, elle lui a dit Ouais ben on va faire connaissance, tu me donnes ton carnet, Monsieur pas-bourrin-pour-deux-sous. Et Ismaïl il lui a répondu ben j’en ai pas, et ça c’était vrai vu que Patrick y lui avait piqué et il avait écrit partout dessus avec un gros marqueur noir, Ismaïl = PD, PD, Tu suces des bites, et quand Ismaïl il l’a récupéré il était tellement dégoûté qu’il l’a foutu à la poubelle direct. Alors la prof elle a dit à Ismaïl ben c’est pas grave, tu vas m’accompagner chez la CPE, alors Ismaïl y s’est mis à flipper et il a dit d’un ton tout désolé Non mdame, j’ai rien fait d’abord, et la prof elle a eu l’air d’avoir pitié de lui, alors moi j’ai dit Wahiba à voix basse, mais lui il a entendu et il a recommencé à s’énerver, alors la prof elle l’a embarqué. On s’est envoyés des doigts pis il est parti avec elle et moi chuis entré en cours.

« Tiens, Idriss ! Toujours aussi ponctuel » il a dit le prof, alors j’ai demandé Vous allez m’exclure ? Et il a fait non, vas-y, assieds-toi. Et chuis allé pour m’asseoir mais juste à ce moment là la porte s’est ouverte et Camélia est entrée, alors msieu Devine il lui a dit Ah non Camélia, t’es trop en retard, jtaccepte pas, et elle elle lui a répondu Ouah, Idriss y vient juste d’arriver, vous avez même pas commencé le cours et vous me virez ? C’est injuste ! Pourquoi vous faites des différences ? C’est parce que vous me détestez, c’est ça ? Et le prof il a répondu, La vérité sort de la bouche des enfants, alors on a ri et on a tous fait Ooooooh msieu, comment vous taillez, et Camélia elle s’est cassée sans que le prof il ait eu le temps de rédiger un billet d’exclusion, alors il a dit Bon débarras, et ça se voyait trop qu’il avait envie de rajouter sale pute mais y s’est retenu. Moi Camélia le dernier jour jlui dis Ouah, comment t’es trop maquillée, tu crois qu’au collège c’est Relooking extrême ou quoi ? Et elle a crié LE MAQUILLAGE A TON PERE à travers la salle de classe (pasque ça se passait pendant le cours de msieu Glazer, le prof de français). Patrick y dit que son piercing au menton c’est pour montrer comme quoi elle suce, et alors jlui ai dit ben comment ça sfait que t’as pas le même ? On aime bien vanner.

Alors jvais pour m’asseoir, mais la chaise elle est cassée. Jle dis au prof, et y mdit comme ça « Non mais ça te gêne pas trop de m’interrompre pour me faire part de tes petits problèmes ? » et jlui réponds ben j’ai pas de chaise ! Et y mdit, en parlant tout lentement, ppprreeennddds eeennnn uuuunnnneeee aaauuutttrrreee, comme si j’étais tebê, alors jfais comme si jcalcule rien et jvais prendre la chaise à côté de Smaïn, mais là Smaïn y mdit eh mais qu’est-ce tu fais ? Ben ça se voit pas ? Jprends la chaise. Eh mais non, moi jla garde, y mdit. Et pourquoi ? Pour mettre mon sac, y mrépond. Tu peux pas lmettre par terre comme tout le monde ? jlui demande, et jdis plus fort, pour que le prof il entende, en fait tu veux le garder là pour pouvoir regarder ton portable ! Y se fâche pasque j’ai dit la vérité, et y crie : Ferme un peu ta gueule ! Ya plein d’autres chaises, pourquoi tu veux la mienne ! Alors le prof il arrive sur nous et y smet à crier, mais qu’est-ce que vous fabriquez encore ? Vous voyez pas que vous nous empêchez de commencer le cours ? Ben c’est lui, j’explique, y veut pas mdonner la chaise. Je ne veux pas perdre de temps à écouter vos explications fumeuses, y dit le prof, donnez-moi vos carnets tous les deux, on aura peut-être la paix. TOUS LES DEUX ! on a crié en même temps Smaïn et moi, et pis aussi : « j’ai rien fait, c’est lui qui fout la merde ! » Mais le prof il avait l’air d’être en colère, alors jsuis retourné à ma place pour lui donner mon carnet, mais pendant ce temps là Smaïn il essayait de carotte le prof, jlentendais qui disait, Oh msieu, jlai pas, mais c’est pas ma faute, il est chez la CPE, alors moi j’ai crié arrête de mytho, ton carnet il est dans ton sac, là dans la poche de devant. Et alors Smaïn il a ouvert la poche et il a fait ooooh mais alors, ooooh mais alors, mais msieu sur le Coran jsavais pas qu’il était là, et nous on lui a tous dit Pourquoi tu mens ? Msieu Devine il a dit Calmez-vous tous, et pour la sept ou huitième fois il a répété Bon l’art au début du XXe siècle change radicalement, vous avez vos livres ? Page 162. Et jlui ai dit, ben msieu j’ai pas de chaise. Là y s’est arrêté et y m’a regardé style il allait me bouffer, et les autres y zont rigolé, mais pas longtemps pasque Devine y s’est mis à gueuler, on voyait les veines de son cou, la Mecque on aurait dit qu’il avait mis les amplis. Et y m’a dit qu’y me virait. Un truc de ouf.

Alors j’ai pris mes affaires et je suis sorti. Et yavait Ibtissem avec moi, c’est la déléguée et il lui avait donné le mot d’exclusion de cours et jlui ai dit, franchement il abuse là, d’où il m’exclut ? Jvais pas suivre le cours debout tout de même ! Et elle elle m’a dit, mais arrête de dire n’importe quoi, à cause de ta faute on peut jamais travailler, la vérité tu nous fais chier, si j’ai pas mon brevet tu vas voir. J’ai rien répondu pasque je pensais comme ça qu’y zallaient téléphoner chez moi et que j’allais me manger des tartes de mon daron, après plus personne dirait que j’ai les oreilles décollées, et j’essayais d’inventer une histoire pour pas mourir. Alors on est arrivé à la salle de médiation, c’est là qu’on met tous les élèves exclus de cours pour qu’y se calment et qu’y fassent le travail que le prof il leur a donné, mais en général ça réussit moyen pasque les élèves si y zont été exclus c’est pasqu’y sont pas calmes et qu’y zont pas envie de travailler, alors si tu les mets tous ensemble c’est pas la peine. Mais là la porte elle était fermée à clé, alors avec Ibtissem on a pensé c’est quoi ce bordel ? Et là ya la CPE qui est passée en courant et elle nous a dit, Ya que deux surveillants pour tout le collège aujourd’hui, pas de médiation, retournez en cours. Woooo, j’ai fait, c’est quoi ce collège, c’est n’importe quoi et pis j’ai dit à Ibtissem, bon, laisse tomber, jvais dans la cour, ya Bandia il a des nouveaux jeux sur son portable. Mais elle a dit eh t’es fou ? Si on fait pas qu’est-ce que la CPE elle a dit on va se faire décalquer. Et bon, j’avais pas envie, mais en même temps, y restait qu’une demie-heure. Alors on est retourné.

Le prof il a fait une drôle de tête quand y nous a vu revenir, et Ibtissem elle a pas pu lui expliquer pasqu’il a dit, Oui Ibtissem, je sais, allez vous rasseoir en silence. Et en fait, dans la salle de classe, yavait Patrick. Alors jle vois et jlui dis, Ça va ? Tu t’es bien fight, mon frère ? Et lui y mrépond Ferme un peu ta gueule, yavait la BAC des deux côtés de la rue, on n’a pas pu sortir, et en plus ces bâtards y zont appelé chez moi, jvais me faire tuer. Alors le prof y dit Idriss, ça recommence déjà ? Et moi jlui réponds Non msieu, jsuis en train de dire à Patrick comme quoi c’est pas bien de sécher les cours. Et venir en cours pour casser les pieds du professeur, c’est comment ? y me demande. Alors jlui dis Eh msieu pourquoi vous dites ça, jvous casse les pieds moi ? Oui, il a répondu. Alors là ça m’a scotché. Jlai jamais traité, jviens à son cours, j’ai même presque la moyenne en histoire alors que ses contrôles y sont trop durs, et lui y dit que jlui casse les pieds ? Alors j’ai dit ben si c’est ça, jfais plus rien. Alleluia ! il a dit le prof (le prof, y srend pas compte qu’y doit nous parler en français si y veut qu’on le comprend). Et puis il a dit bon, Jean-Baptiste, tu nous lis le texte d’introduction, s’il te plaît, et Jibé il a dit Ben msieu j’ai pas de livre, alors le prof y s’est encore mis en colère, Non mais c’est maintenant que tu me le dis ? Le cours est commencé depuis une demie-heure ! il a gueulé comme ça. Et il est où d’abord ton livre ? Ben il est resté chez moi, il a répondu Jibé, et le prof y lui a dit Oui c’est sûr qu’il est bien plus utile posé sur ton bureau que dans cette salle de classe, et Jibé y lui a répondu Ben msieu j’ai pas de bureau chez moi, vous croyez que chuis Sarkozy ou quoi ? Et Devine il a passé la main dans sa barbe, et il a dit Smaïn, tu as ton livre, toi ? Oui, il a dit Smaïn, Alors lis-nous ce texte, il a dit le prof, Attendez msieu, il a dit Smaïn, et il est allé pour chercher le livre dans son sac, et on l’a taillé pasqu’il a failli renverser son portable, alors le prof il a dit laisse tomber, On va demander à une vraie élève de lire le texte, Lily, s’il te plaît, et Smaïn y venait de trouver son manuel, tout sale avec la couverture déchirée, Ouah t’as vu le vieux livre, j’ai dit, et Smaïn à ce moment là il a compris qu’est-ce que le prof il avait dit et il a rouspété, Ouah, qu’est-ce que ça veut dire ça, pourquoi vous dites que chuis pas un élève ? Je sais pas, il a répondu msieu Devine, j’ai donné une consigne de travail très simple il y a une demie-heure, cette consigne c’était ouvrez vos livres à la page 162, et cette consigne tu l’as toujours pas exécutée, qu’est-ce que je peux en tirer comme conclusion ? Mais je l’ai, mon livre, là, il a dit Smaïn, et le prof y lui a répondu c’est trop tard, alors Smaïn il a fait un geste comme ça avec ses bras, il a re-jeté le livre au fond de son sac en disant Ouah, ça fout la rage, ça. Et c’est vrai que msieu Devine, y tient pas assez compte de nos efforts et bon, des fois il est sympa et on rigole bien avec lui, mais ses contrôles y sont trop durs, il appelle chez nous, et y veut toujours remplacer ses cours quand il a été absent alors que c’est tout de même pas notre faute si il est absent !

Alors Lily elle a commencé à lire : « En 1907, un jeune peintre espagnol installé à Paris, Pablo Picasso… »
« Picasso ? » Patrick, rien que d’entendre le mot, ça l’a réveillé direct, on aurait dit un pit. Enfin un bébé pit. SILENCE ! il a gueulé le prof, et il a dit Lily, je te couvre, tu peux continuer, alors elle a lu « … Pablo Picasso termine une grande toile : Les Demoiselles d’Avignon. » (Et là j’ai pensé : le prof il a du bol, pasque si Camélia elle était là, elle commencerait à chanter Jeune demoiselle de Diam’s direct.
Jeune demoiselle recherche un mec mortel / Un mec qui pourrait me donner des ailes / Un mec fidèle et qui n'a pas peur qu'on l'aime / Donc si t'as les critères babe laisse moi ton e-mail) « Elle représente cinq femmes nues » (Quelqu’un a dit Ça se fait pas) « tournées vers le spectateur (sans doute des prostituées de la rue d’Avignon à Barcelone) » Et là ya quéqu’un qui a dit « Ronaldinho ! », mais Kamel il a demandé Quoi, c’est des putes sur le tableau là, et Jibé il a demandé Msieu jpeux avoir un livre ?, et même Patrick il a demandé à Ibtissem et Lily de lui filer un livre. Du coup personne n’a écouté Lily qui terminait le texte, « dans un décor de draperies, avec quelques fruits posés à leurs pieds. » Et le prof il a eu le temps de rien dire, Patrick il a dit Ouah, lvieux tableau ! Même Idriss y dessine mieux ! et pis aussi Et mais c’est vrai, ça c’est la gueule qu’elles ont les meufs de Picasso ! et là on a tous ri pasque lui y voulait parler des filles de la cité Picasso, pas du peintre bizarre, là. Le seul qui a pas ri, c’est Banushan pasque lui il est cool mais il est de la cité Picasso, et y s’est tourné vers Patrick et y lui a dit Picasso y t’emmerde, alors on a tous crié Oooooooooh ! Et puis quelqu’un a dit, Eh msieu qu’est-ce que vous écrivez, là ? et il a répondu Le nom des élèves dont je vais appeler les parents en sortant de cette salle de cours, et on a demandé Ya qui, ya qui, et il a fait comme ça Pas mal de monde, en fait.

Alors là ça s’est bien calmé, pasque les punitions, on les fait pas, les heures de colle, on y va pas, mais nos parents y rigolent pas, y en a qui cognent et Djeison y m’a même dit une fois que son daron lui avait confisqué sa Play, mais jcrois qu’y mythonne. Alors le prof il a pu faire son discours et il a dit Bon, c’est classique, votre première réaction devant ce tableau c’est de dire qu’il est très moche. Tous les élèves réagissent toujours de cette façon. Et là j’ai dit ben c’est normal, vu qu’il est vraiment moche. Lprof y m’a pas répondu, et il a continué Mais Picasso, il avait fait l’école des Beaux-Arts, c’était un excellent dessinateur, s’il avait voulu, il aurait pu sans problème faire un tableau avec un chaton et une fleur et vous auriez dit Oh, que c’est beau, on dirait une photo, on dirait que la fleur va miauler. Alors la question est : pourquoi a-t-il préféré faire un tableau de ce genre ? Ben il était bête, il a dit Smaïn. Le prof il lui a pas répondu et il a dit : d’après vous, est-ce que le but c’était de faire quelque chose de joli ? Ben non, on a dit. Alors c’était quoi le but ? Et moi jcomprenais pas pourquoi y nous posait toutes ces questions, pasque lui, la bonne réponse, il la connaît, alors pourquoi y nous la dit pas ? Y croit qu’on est au Maillon faible ou quoi ?

Alors comme jme faisais chier j’ai regardé Patrick et j’ai dit : Marie-Bernadette, vu que c’est le nom de sa mère. Et lui il a dit Nedjma, et j’ai dit Marie-Bernadette, et il a dit Nedjma, et j’ai dit Marie-Bernadette, et le prof il a hurlé QU’EST-CE QUE C’EST ENCORE QUE CE PETIT JEU A LA CON ! Mais msieu, on a rien fait ! Patrick et moi on a dit. Alors le prof il a fait, Idriss je ne peux pas t’exclure, mais je ne veux plus te voir, alors tu vas dans le couloir et tu y resteras jusqu’à la sonnerie. Alors Patrick il a golri et le prof il lui a dit Et toi, je te fais la promesse que tes parents seront convoqués chez la principale adjointe avant la fin de la semaine. Ouah ! il a fait Patrick, mais j’ai pas entendu la suite pasque j’étais déjà sorti. J’étais trop énervé, d’où y s’acharne sur moi, c’prof de merde ? J’ai rien fait ! Alors j’ai entendu que Smaïn y donnait des coups de pied dans le mur pour se foutre de ma gueule, c’est comme style si y m’envoyait un message, Tu t’es bien fait niquer, alors moi aussi j’ai donné des coups de pied dans le mur, et là le prof il est sorti d’un coup de sa salle mais y pouvait pas savoir que c’était moi pasque jmétais écarté du mur et y m’a dit, Tu tfous dma gueule ? Alors jlui ai dit d’abord, Msieu pourquoi vous mparlez mal, et pis ensuite j’ai dit Et d’abord j’ai rien fait, c’est Smaïn qui tape dans le mur. Et on a entendu une voix qui criait de la salle Mytho ! (C’était Smaïn.) Alors le prof y m’a dit, A la sonnerie tu m’attends, on ira chez la CPE, j’aurais des choses à lui raconter, Et moi j’ai répondu ouais, d’accord, on va la voir, jvais lui dire comment vous parlez mal aux élèves. Et juste là ça a sonné. Alors le prof il a dit Putain, et il est rentré dans la salle à toute vitesse, et moi aussi, j’ai récupéré mes affaires et j’ai tracé, et j’ai entendu qu’y criait après moi IDRISSSSSSSSSSS ! mais qu’est-ce tu crois, j’y suis pas allé. En même temps jpensais merde, merde, y va appeler chez moi à coup sûr, et j’ai pensé que Patrick il a du bol, lui ses deux parents y travaillent tard et y peut effacer les messages sur le répondeur avant qu’y reviennent, alors que moi mon daron il a filé son numéro de portable. Et là j’ai vu Moussa des 4° E, il était trop chaud, y m’a dit Ouah, Idriss, tu sais pas Mohamed ? Non, j’ai dit, qu’est-ce qui lui arrivé ? A tous les coups y s’est fait serrer par les keufs. Mais non, il a réussi à passer, y sont pas allés à l’Etoile pasque c’était blindés de keufs, mais à la place y sont allés au square Gagarine où yavait personne et y se sont péta avec les mecs de Picasso, et tu sais quoi, non, tu sais quoi, mais il a pas pu me dire pasque Ismaïl il est arrivé et y m’a dit Fils de pute, à cause de toi je mprends une journée d’exclusion, et y m’a attrapé comme ça et y voulait me mettre une balayette mais jme laissais pas faire, alors msieu Glazer il est arrivé et il a dit Vous révisez bien pour le contrôle, à c’que je vois, et nous on a dit Quoi ? Ya contrôle ? Vous nous l’avez pas dit ! Si mais vous n’écoutiez pas, y nous a répondu, et alors

 

[Consigne : imagine toi-même les deux autres heures de cours suivies par Idriss et ses camarades cette après-midi là.]

 

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7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 18:24

Quatrième. Contrôle d’histoire. Silence relatif. J’ai eu la brillante idée de placer dans l’énoncé le fac-similé d’un texte ancien.

Elève 1 –Monsieur, c’est quoi un frontifpice ?
Moi. –Tu veux dire un frontispice.
Elève 1 –C’est marqué frontifpice.
Moi. –Ce livre a été imprimé au XVIIe siècle. A cette époque, les « s » qui se trouvaient à l’intérieur d’un mot, on les écrivait un peu comme des « f ».
Elève 2, sautant sur l’occasion de taper la discute. –Et pourquoi ?
Moi. -C’est comme ça. Une règle typographique.
Elève 3, narquois, en reniflant. –Y savaient pas écrire, au Moyen Âge.
Elève 1. –Mais sérieux, c’est quoi, un frontifpice ?
Moi. –Frontispice.
Elève 1. –Ouais, c’est qu’est-ce que j’ai dit.
Moi. –Ce que j’ai dit. Un frontispice, c’est la première page d’un livre. En général on y voit une grande illustration.
Elèves divers. –Ah d’accooooord.
Trois minutes plus tard.
Elève 4. –Monsieur, c’est quoi, un frontifpice ?
Moi. –Frontispice.
Elève 4. –C’est écrit frontifpice.
Moi, serein. –Un frontissssspice, c’est la première page d’un livre. OK ? Ne me le faites plus répéter.
Elèves divers, pleins de bonne volonté. –D’accord, msieu.
Moi. –D’ailleurs, je vais écrire la définition au tableau.
Cent soixante et onze secondes plus tard.
Elève 5. –Msieu, c’est quoi un frontifpice ?
Elève 6. –MAIS T’ES GOGOL OU QUOI ? LE PROF IL L’A DEJA DIT DEUX FOIS !
Moi. –Merci, élève 6. Tu as employé des termes contestables, mais je te rejoins sur le fond.
Elève 6. –En plus c’est écrit au tableau !
Elève 5. –Eh mais jtai pas parlé à toi, connard.
Elève 6. –Comment tu m’as appelé ?
Elève 5, faisant mine de se lever. –Tu veux parler ?
Moi. –Tu te calmes ou je te vire. Et je te colle un zéro en prime. Espèce de frontifpice.
Elève 6. –Comment vous m’avez appelé ?
Moi. –Alleeeeeeeeeez, au travail !
Un peu plus tard, à Moulinsart.
Elève 7, tout à fait sincèrement
. –Eh msieu, mais c’est quoi un frontifpice ?
Plusieurs autres élèves. –Woh la la !
Moi. –Je fais un beau métier, pas vrai ? Un frontifpice, mon petit bonhomme…
Elève 6. –Eh msieu, mais vous avez dit qu’en vrai c’était frontispice ?
Moi. –M’énerve pas. Un frontispice, mon cher élève 7, c’est un petit animal très mignon, une vraie boule de peluche, qui vit en Australie et qui se nourrit exclusivement de feuilles d’eucalyptus. Voilà la vérité.
Elève 1, indigné. –Mais vous aviez dit que c’était la première page d’un livre.
Moi, la mâchoire inférieure légèrement affaissée. - ... 
Elève 6. –Mais laisse tomber. Le prof, y taille.
Elève 7. –Eh mais c’est quoi alors ?
Moi, agacé. –Je ne te le dirai pas.
Elève 7, choqué. –Ouah, bah c’est pas juste, alors. Pourquoi vous faites des différences ? Pourquoi vous le dites aux autres et pas à moi ?

Je me lève, quitte mon bureau, et m’approche de lui à pas souples et lents pour lui décocher un high kick fatal.

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6 décembre 2007 4 06 /12 /décembre /2007 22:16
R--visionnisme.JPG
Saurez-vous repérer les quelques retouches effectuées par cet élève de quatrième dans son manuel d'histoire ?
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25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 16:20
Quatrième G. Cours sur les droits sociaux.

Moi. -La devise de la République française c'est : Liberté, Egalité, ... ?
Deux ou trois voix. - ... Fraternité.
Moi. -Bien. Et qu'est-ce que ça veut dire, "fraternité" ?
Silence total.
Moi. -Ca veut dire qu'on est tous... frater...
Une voix. -On est tous fraters ? Qu'est-ce qu'y raconte ?
Moi. -On est tous frères ! Frères et soeurs. Voilà. Tous les citoyens de la République française sont des frères et des soeurs. Et d'ailleurs, c'est logique. Vous connaissez les premiers vers de l'hymne national français, la Marseillaise ? Allons enfants...
Les deux tiers de la classe se mettent à chanter à pleine voix :

Allons enfants de la patriiii-i-e
Le jour de gloire eeeeest arrivé !

Djeison, qui n'a pas chanté. -On joue contre qui ?
Moi, sans relever. -Merci pour ce bel effort. Alors maintenant, réfléchissez un peu. Si tous les Français sont les enfants de la Patrie, s'ils ont tous la même mère, ça veut dire qu'ils sont tous...
Deux ou trois voix, les mêmes que tout à l'heure. -... frères.
Moi. -... et soeurs.
Ibtissem, en souriant. -Eh msieu, ça veut dire que vous êtes mon frère ?
Moi, en souriant aussi, car j'aime bien cette élève. -Oui, Ibtissem. Et tu es ma petite soeur.
Smaïn, hilare. -Eh msieu, et moi jsuis vot' frère aussi.
Moi, avec nettement plus de réticence. -Eeeh oui, Smaïn.
Smaïn. -Eh mais alors, jpeux vous appeler "mon frère" ?
Moi. -Je préférerais que tu t'en tiennes à "Monsieur".
Smaïn. -Eh mais jvoulais vous demander un truc aussi. En France, on est tous frères et soeurs, c'est ça que vous avez dit.
Moi. -Oui.
Smaïn. -Eh mais alors, si je me marie avec une Française, c'est de l'inceste.
Moi, soulagé que la classe, où pratiquement personne ne connaît le sens du mot "inceste", ne réagisse pas. -Tu pourrais garder tes fines plaisanteries, s'il te plaît ? Bien. Alors maintenant, il faut voir quelles sont les conséquences de cette "fraternité". Smaïn, tiens, puisque tu as des choses à dire. Tu aimes ta famille, n'est-ce pas ?
Smaïn, ne voyant pas où je veux en venir. -Bah ouais.
Moi. -S'il arrive quelque chose à ton petit frère Marwan, tu le défends, n'est-ce pas ?
Smaïn. -Ah non, il est trop con, Marwan (rires).
Moi, qui commence à m'énerver. -Bon, mais si tu étais une personne normalement constituée, tu le défendrais. Et moi qui suis ton grand frère, puisque nous sommes français tous les deux, je peux te dire que je vais m'occuper de toi, mais quelque chose de bien, mon gaillard ! T'as compris ? 
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17 octobre 2007 3 17 /10 /octobre /2007 10:17

Cantine des professeurs, midi un quart.Clown.jpg

-Ça va Ali ?
-Le numéro que vous avez composé n'est pas attribué. Veuillez consulter le service des renseignements.
-A ce point là ?
-Ah mais écoute, je sors d'un cours avec les quatrième G...
-Ah d'accord, je comprends mieux.
-... G comme génie. C'était une leçon d'éducation civique sur le droit à la vie privée. J'avais décidé de partir de l'exemple des tests ADN. La discussion commence bien, mais, par un scrupule de méthode complètement idiot, je me mets en tête de leur expliquer ce que c'est que l'ADN. Je fais de mon mieux, et pour les intéresser, je leur dis en conclusion : "Quand un assassin commet son crime, on peut le retrouver grâce à son ADN, il suffit qu'il laisse un cheveu, ou une goutte de sueur." Et là Camélia...
-Cette pétasse de Camélia...
-Tu m'ôtes les mots de la bouche. Tu sais qu'hier je l'ai surprise en train de se maquiller pendant mon cours ? Elle se mettait du mascara, tranquille, en pensant que je regardais ailleurs. Enfin passons. Cette pétasse de Camélia me demande donc d'un air ingénu : "Et dans le caca, msieu, ya de l'ADN ?"
-C'est pas possible.
-Tu connais la nana et tu sais donc aussi bien que moi que c'est parfaitement possible. Et j'étais tellement scotché par la bêtise et la vulgarité de cette sortie que je n'ai même pas relevé. Du coup, tous les autres ont embrayé, et pendant un quart d'heure, ça a été caca time : caca par ci, caca par là, et caetera. On se serait cru dans une récréation de maternelle, c'était hallucinant. Et bon, à la fin, il n'y avait plus rien à faire, alors j'ai gueulé, et ils ont noté leur leçon sans une explication. Et c'est vraiment con parce que le sujet les intéressait, au début ils participaient bien. Mais ils ne peuvent pas s'empêcher de faire les cons. Quinze minutes de concentration, c'est leur maximum absolu.
-Écoute, dis-toi qu'on fait un métier formidable. On se marre, et puis on voit des trucs incroyables, non ? Il faut avoir fait prof au moins une fois dans sa vie !
-OK, mais au bout d'un moment, il faut faire autre chose, si on a un minimum d'estime de soi. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse de pareilles créatures ? Il faudrait que je tire quelque chose du cerveau de Camélia Caca ? Et comment ? Merde, c'est plus de l'enseignement qu'on nous demande de faire, c'est de la magie ! -Tiens, en parlant d'arts du cirque, je voulais te parler d'un truc aussi. Ça concerne tes sixième. Tu vois ça ?
-Qu'est-ce que c'est ?
-D'après ce que m'ont expliqué des élèves bien informés, c'est une bille de plastique qu'on tire normalement avec un pistolet à air comprimé, dans les fêtes foraines.
-Ah me dis pas qu'un de mes gamins est venu au collège avec un pistolet, s'il te plaît !
-Pas encore, mais j'ai l'impression que ça n'est qu'une question de temps. Ce qu'ils font pour l'instant, c'est qu'ils vident leurs stylos, et ils s'en servent comme sarbacanes. Et le résultat est vachement efficace : ça fait hyper mal à la personne visée, mais c'est tellement petit que tu ne retrouves le projectile qu'en regardant le carrelage pendant un quart d'heure à la fin du cours. Bilan, t'as un élève qui beugle comme un veau, mais que tu soupçonnes fortement de jouer la comédie, puisque tu n'as rien vu. Et ton cours part en couille que c'en est une merveille. Je soupçonne Enzo d'avoir allumé Hind, mais j'ai aucune preuve. Enfin, passons. Et toi, ça va ?
-Oh écoute, je viens de passer une heure avec mes sixième SEGPA...
-Ah ouais, c'est la classe d'Ibrahima.
-Bon, bah voilà, si même toi qui ne l'as pas comme élève, tu le situes aussi bien, ça dit tout.
-Il est si terrible que ça ?
-Ah mais écoute, il a un méchant pèt' au casque, hein. Il devrait être aux urgences psychiatriques, plutôt que dans des cours d'arts plastiques. Il est totalement parano et hyper agressif. Aujourd'hui, on travaillait sur du volume, donc les élèves avaient la possibilité d'utiliser toute sorte de matériel. Eh ben, en l'espace de cinq minutes, il a essayé d'aveugler son voisin en le pointant avec le pistolet à colle ; et ensuite, avant que j'aie eu le temps de l'exclure du cours, il a essayé de lui agrafer les joues.
-Yo.
-Et il y en a encore deux ou trois autres, dans cette classe, qui ont les fils qui se touchent. Je te dis, quand je les ai, j'y vais la peur au ventre, alors qu'ils ne m'arrivent pas à l'épaule. Je ne peux même plus leur tourner le dos pour noter quelque chose au tableau !
-Eh ben. C'est quand les vacances ? Le 25 ? -Tiens, salut Albert ! Ça va ?
-Non. Connais-tu Zlatko Marinkovic ?
-Oui, je l'ai eu en sixième et en cinquième.
-On est d'accord que c'est un sale con ?
-On est tout à fait, absolument d'accord.
-Bon, dans mon cours, je parle du SIDA, des moyens de se protéger, etc. Et Zlatko, qui me chauffait depuis quarante-cinq minutes, me demande d'une voix doucereuse : "Monsieur, c'est quoi un préservatif ? Monsieur, c'est quoi un homosexuel ?" Et les autres, évidemment, se marraient comme des baleines. Alors il continue son petit cirque, et au bout du compte, sa question, c'est : "Monsieur, c'est quoi un acte sexuel ?" Alors là, sans que j'aie le temps de calculer quoi que ce soit, je m'entends lui répondre : "T'as qu'à demander à ta mère, putain !"
-Ah ah ah !
-Eh ben ouais, la classe a bien rigolé aussi, mais maintenant je fais quoi si elle me téléphone ?
-Tu lui dis que si elle s'était mieux protégée autrefois, on n'en serait pas là.
-Ouah, mais qu'est-ce que c'est que ça ? C'est censé être du hachis parmentier ?
-Mon ami, relis Astérix légionnaire : plus la nourriture est mauvaise, plus l'armée est puissante -et vice-versa.
-Je ne savais pas que l'Éducation nationale était si puissante.

 

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14 octobre 2007 7 14 /10 /octobre /2007 23:58

Montagne.jpgCette question, je l'ai posée à mes élèves de quatrième lors d'un contrôle. Pour y répondre, il suffisait d'avoir mémorisé les deux phrases suivantes : "Au nord de l'Europe -de la région parisienne jusqu'à la Russie- s'étend une vaste plaine fertile. Le Sud est dominé par quelques chaînes de haute montagne (exemples : Alpes, Pyrénées)." On voit que je ne cherche pas à saturer la mémoire de mes jeunes de détails inutiles ; on voit aussi que, ayant nettement abaissé le niveau de mes cours, j'ai en toute logique abaissé celui des évaluations. Désormais, tout élève ayant appris sa leçon et sachant la réciter est assuré d'obtenir la moyenne. J'ai quasiment renoncé aux questions de réflexion, qui donnaient toujours lieu à de vives protestations lors du contrôle, puis de nouveau lors de la correction : les élèves y voyaient un procédé déloyal. "Eh mais msieu, comment on pourrait savoir ça ? Vous nous l'avez pas dit !" Et quand on leur suggérait de penser, ils poussaient de profonds soupirs.

A ma question sur le relief de l'Europe, donc, sur une classe de 23 :
-9 élèves n'ont rien répondu (ou se sont bornés à recopier l'énoncé) ; 
-une élève a répondu par ce simple mot : "Les montage" ;
-3 élèves ont répondu par des formules d'un vague absolu ("Je sais qu'il y a beaucoup de montagnes en Europe et beaucoup de plaines aussi", "L'Europe a un relief très montagneux") ;
-une élève a répondu "Il est chaud mais pas très montagneux" ; un autre, "Il y a eu un sunami et des cyclones" ; un autre, "Le relief de l'europe s'agrandi de jours en jours car elle contiene des banlieus des citées".  Ces trois derniers cas me paraissent les plus inquiétants car ils laissent supposer que la notion de "relief" (expliquée en CM2 et en sixième et constamment utilisée depuis) n'est pas comprise. 
-Enfin, une seule élève a donné une réponse suffisamment complète pour mériter les deux points que valait cette question.  

Ces résultats sont d'autant plus remarquables que je me suis aperçu, à la fin du contrôle, que j'avais oublié de décrocher du tableau la grande carte murale de l'Europe physique et que, pendant que les élèves composaient, la réponse se trouvait sous leurs yeux.

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9 octobre 2007 2 09 /10 /octobre /2007 21:44

WikiEurope-copie-1.jpgDepuis que je suis arrivé à Félix-Dzerjinski, mon niveau d'exigence n'a cessé de baisser. Lors de ma première année d'enseignement, seuls les bons élèves parvenaient à me suivre ; et comme il y en a très peu, il a fallu que je démocratise. Mais j'ai parfois l'impression d'avoir mis la main dans un engrenage terrible. L'ignorance et la mauvaise volonté de mes ouailles m'oblige en effet à retrancher du cours, année après année, des connaissances que j'estimais naguère indispensables. 
Cette érosion des savoirs n'est nulle part plus nette qu'en quatrième. Dans les petites classes, beaucoup d'élèves -même parmi les plus faibles- conservent un peu de cette curiosité enfantine qui permet de les hisser au-dessus du minimum vital. Chez les adolescents flamboyants qui peuplent les classes de quatrième, en revanche, ne semble subsister aucune des qualités qui rendent la transmission possible (ces qualités étant, par ordre d'intérêt décroissant, le désir de savoir, le goût de l'effort, l'esprit de compétition, le respect de l'autorité professorale, la crainte des sanctions). On a alors affaire à de grands corps mollassons, mal élevés et tourmentés par leurs glandes. 
Les rares individus qui, au sein de cette population, témoignent d'un peu de souci de s'instruire, ou d'un respect sincère pour l'institution scolaire, se font impitoyablement mettre en boîte. "Intello" est l'une des pires insultes que l'on puisse subir dans ce contexte, d'autant qu'elle est utilisée avec parcimonie. Dans la plus mauvaise de mes deux quatrième, la seule élève qui ait un niveau convenable évite par tous les moyens de se mettre en avant ; mais cela ne lui permet pas d'échapper aux quolibets lors de la correction des devoirs, où elle est parfois la seule à avoir obtenu la moyenne.

Ce phénomène de médiocrisation (qui touche en premier l'enseignant) m'a sauté aux yeux quand nous avons étudié la carte de l'Europe. Sur deux fonds de carte, l'un physique, l'autre politique, j'ai demandé aux élèves de placer une quarantaine de repères -noms de mers, de fleuves, de montagnes, de pays. J'ai dû y consacrer beaucoup plus de temps que je ne l'avais prévu ; car même si j'accompagnais les élèves pas à pas, en projetant le document sur écran et en le complétant sous leurs yeux avec force commentaires, beaucoup n'y arrivaient pas. Ils voyaient bien des lignes figurer sur la feuille, mais ils ne savaient pas de quel côté était la terre, et de quel côté l'océan ; ils prenaient le tracé des fleuves pour celui des frontières, et vice-versa ; ils tenaient leurs cartes dans le mauvais sens ; ou bien encore ils se trompaient "un peu" et se montraient bientôt incapables de réparer les erreurs qui s'étaient accumulées. Ils manquaient d'aptitudes techniques très simples, que j'étais en droit de supposer acquises depuis longtemps, comme d'observer les actes d'un enseignant et de les reproduire à l'identique ; et ils manquaient aussi de connaissances essentielles -beaucoup, par exemple, étaient incapables de situer les points cardinaux, et ne comprenaient donc rien à mes explications. 
Et plutôt que de se révolter contre ces manques, de vouloir les combler, ils manifestaient une irritation sans cesse croissante contre les modestes savoirs que je prétendais leur faire acquérir -soit parce qu'ils étaient bien conscients qu'il était de toute façon trop tard pour eux, soit parce que la paresse qui leur a fait prendre tant de retard s'est épanouie au fil du temps, pour atteindre à présent des dimensions monumentales.

A partir du vingtième ou vingt-cinquième toponyme, des gémissements ont commencé à s'élever dans la classe : "Mais monsieur, comment voulez-vous qu'on apprenne tout ça ? On n'y réussira jamais ! Et à quoi ça sert, d'abord ? Qu'est-ce que j'en ai à faire de la Volga et du Danube ?" J'ai fait de mon mieux, je me suis battu pour l'intégrité de la géographie européenne ; mais à la fin, devant ce qui devenait une véritable révolte (plusieurs élèves avaient carrément cesser d'écrire quoi que ce soit, estimant sans doute que leur cerveau était plein), j'ai dû lâcher du lest. 
Si je compare la carte réalisée cette année avec celle d'il y a deux ans, je vois tout ce que le temps et l'inappétence ont fait disparaître. La plaine germano-polonaise a disparu, et je sens que les Carpates auront subi le même sort à la rentrée 2008 ; le Pô, l'Oder, l'Ebre et le Tage ont été effacés, tout comme la mer Egée ; l'Irlande, le Portugal et la Grèce ont été, au sens propre, rayés de la carte -la Norvège et la Roumanie ne se sauvant que d'extrême justesse. Ne parlons même pas des villes européennes, qui ont complètement cessé d'exister. 
Si je ne m'enfuis pas à temps, j'ai peur qu'un jour, la carte ne reste entièrement vierge. Les lieux n'auront plus de nom, et il n'y aura d'ailleurs plus de lieux : il n'y aura plus rien. Nous disparaîtrons.

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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 22:42
Début houleux d'un cours de quatrième. Tout à coup, la porte s'ouvre à la volée, et Camélia fait son apparition. J'ai une bouffée de chaleur. Je déteste tout de cette fille, son impolitesse, sa sottise, sa voix, son visage étroit de fouine, sa silhouette dégingandée. Aujourd'hui, elle est intégralement vêtue de rouge écarlate. Elle mâchouille je ne sais quoi. Aucune excuse évidemment pour son retard, et elle ne me dit même pas bonjour. Mais elle me fixe, et nous échangeons un regard ambigu, entre hostilité et connivence.
Je ne veux pas assister au cours.
Je ne veux pas que tu assistes au cours.
Marché conclu.
"Camélia, tu es trop en retard, je ne t'accepte pas."
Elle pourrait protester pour la forme, mais elle a la bonne idée de s'en abstenir et patiente poliment tandis que je remplis sa fiche d'exclusion, puis disparaît sans un bruit.
 
Dix minutes plus tard, hélas, elle revient, accompagnée d'un surveillant.
"On est désolé, mais il n'y a pas assez de personnel pour surveiller les élèves exclus."
C'est pas de ma faute.
Je sais bien. 
"Allez, va t'asseoir, et silence, pour une fois."
Et de fait son calme est remarquable, comme si elle voulait me remercier de ma bonne volonté à son égard.

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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 15:00

Sweden-Oresund-Bridge2.jpgCours de quatrième. La géographie de l'Europe.

Moi. -... et donc, ce trrrès grand pont permet de passer du Danemark à la Suède sans avoir à prendre le bateau.
Youssef (sans avoir demandé la parole). -Monsieur, et c'est en Europe ça ?
Moi. -Oui, Youssef, le Danemark et la Suède sont des pays européens. Patrick, tu peux te taire s'il te plaît ?
Patrick. -J'ai rien fait, msieu !
Moi. -Tais-toi, c'est tout. Bon, et ce pont immense, c'est une infrastructure, c'est un équipement qui permet de se déplacer plus facilement. Sur la carte d'ailleurs, vous voyez un autre exemple d'infrastructure. Lequel ?
(Silence relatif. Quelques élèves somnolent, d'autres feuillettent leur manuel, d'autres n'ont pas compris ma question mais n'osent pas le dire.)
Moi.
-Camélia.
Camélia. -Quoi ?
Moi. -Réponds à ma question, s'il te plaît.
Camélia. -Quelle question ?
Moi. -Quelles sont les infrastructures que l'on peut voir sur la carte ?
Camélia. -Quelle carte ?
Moi (qui commence à bouillonner). -La carte de la p. 227.
Camélia. -Monsieur, j'ai pas mon livre.
Moi. -C'est maintenant que tu me le dis ? Bon allez, donne-moi ton carnet de liaison.
Camélia. -Quoi ? Vous allez me mettre un mot pour ça ?
Moi. -Pour ça et pour tout le reste.
Camélia. -C'est quoi tout le reste ?
Moi. -Nous sommes en cours depuis 25 minutes, tu n'as pas arrêté de bavarder, tu n'as pas enlevé ton blouson, tu mâches du chewing-gum...
Camélia. -C'est pas vrai ! Regardez ! Aaaaaaah !
Moi. - Non, effectivement, je retire ce que j'ai dit : tu mâches un capuchon de stylo. Alors maintenant, tu le jettes ou tu l'avales.
Camélia. -Monsieur, vous voulez que je meures ?
(Surtout ne pas répondre. Je prends son carnet et retourne à mon bureau.)
Moi.
-Bon, l'infrastructure dont je voulais parler, c'est le tunnel sous la Manche. (Prenant la voix doucereuse d'un instituteur de maternelle grande section :) Quels sont les deux pays reliés par le tunnel sous la Manche ?
Youssef. (sans avoir demandé la parole) -L'Italie et la Suisse !
Un camarade. -Mais non ! Qu'est-ce que t'es con !
Moi. -Non, Youssef, regarde mieux le document. Ce sont la France et le Royaume-Uni (remarquant l'incompréhension sur le visage des quelques élèves qui suivent), l'Angleterre, si vous préférez. PATRICK, TU VAS TE TAIRE, ENFIN ?
Patrick. -Mais msieu, j'ai rien fait !
Moi. -Mais enfin c'est absolument incroyable ! A chaque fois que je regarde dans ta direction, tu m'entends, je dis bien à chaque fois, tu es retourné, hilare...
Patrick. -Hein ?
Moi. -... tu rigoles et pourtant ça n'est jamais ta faute ! Y'en a marre, d'une telle mauvaise foi ! Donne-moi ton carnet.
Patrick. -Waïïï !
Moi. -Voilà, tu l'as dit. Pour en revenir à la leçon, le tunnel sous la Manche, c'est un grand progrès. Aujourd'hui, on peut aller de Paris à Londres en un peu plus de deux heures. Il y a un siècle, il fallait deux jours.
Mohamed. -Eh msieu, et pour aller au Maroc ?
Moi. -Mohamed, il me semble que tu dois mieux le savoir que moi...
Aïcha. -Il paraît qu'ils vont construire un tunnel.
Plusieurs voix. -Mytho !
Camélia. -Ouais bah moi j'aimerais bien, pasque lbateau, sérieux, y'en a marre.
Youssef. -Eh msieu, et pour aller en Algérie ?
Mohamed. -Vas-y là, lkabyle.
Youssef. -Quoi ? C'est quoi ton problème avec les Kabyles ?
Djibril. -Ouais moi, au bled, ctété, j'ai carotte la Wii, mon frère...
Quelques voix. -La Wii, elle est nulle !
D'autres voix. -Wah l'mytho !
Djibril. -Ouais bah vous avez qu'à jouer sur vos vieilles PS toutes pourries, j'en ai rien à foutre. (Exclamations hostiles ou goguenardes)
Moi
(hurlant pour couvrir le brouhaha). -Bon, si ça ne vous dérange pas trop, j'aimerais qu'on revienne au cooooOOOURS ! Sur les cartes de l'Europe...
Plusieurs voix. -Jpeux distribuer, msieu ?
Moi. -...que JE vais vous distribuer, nous allons placer quelques grands repères...
Youssef (sans avoir demandé la parole). -Eh msieu, dans quel sens il faut la tenir ?

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24 septembre 2007 1 24 /09 /septembre /2007 00:24

Cours de quatrième. Le progrès des sciences à l'époque moderne. On regarde La leçon d'anatomie de Rembrandt.

Quelques élèves. -C'est dégueulasse.
Moi. -Ca vous dégoûte peut-être, mais c'est grâce à des dissections de ce genre que l'on a de mieux en mieux compris le fonctionnement du corps humain, et qu'on a pu le soigner. D'ailleurs, l'an dernier, vous avez dû entendre parler d'un personnage extraordinaire. C'était à la fois un très grand peintre et un très grand savant ; et comme il voulait savoir comment le corps humain était construit, il allait parfois déterrer des cadavres...
Aïcha. -Ca se fait pas !
Moi. -C'est aussi ce que pensait l'Eglise catholique : s'il s'était fait prendre, il était sûr d'aller en prison pour de longues années. Mais voyons, ce personnage, vous le connaissez : c'est celui qui a peint le plus célèbre tableau du monde.
Plusieurs élèves, sans demander la parole. -Ah ouais le truc, là, comment ça s'appelle, avec la meuf...
Moi. -La Jo... (je laisse passer une dizaine de secondes) ...conde. La Joconde. C'est comme ça que s'appelle le tableau.
Plusieurs élèves, hypocritement. -Ah ouais !
Moi. -Et l'auteur de ce tableau c'est ? Un Italien... de la Renaissance... Bon allez, c'était Léonard de Vinci. C'est Léonard de Vinci qui disséquait des cadavres en cachette...
Aïcha. -Ca se fait pas.
Moi. -... et c'est grâce aux connaissances qu'il acquérait de cette façon, qu'il représentait si bien le corps humain dans ses tableaux, Léonard de Vinci.
Youssef, innocemment. -Monsieur, c'est aussi lui qui a joué dans Titanic ?

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