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  • : Au collège
  • : Je suis professeur d'histoire-géographie au collège Félix-Djerzinski de Staincy-en-France. Ce métier me rend malade et il fait ma fierté. Avant d'en changer, je dépose ici un modeste témoignage.
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11 avril 2008 5 11 /04 /avril /2008 18:17

 


Extraits du rapport rédigé à la suite de notre réunion (voir ci-dessous les épisodes 1 à 3)

Atelier 1 : les violences constatées récemment au sein de l'établissement. Diagnostic général

Depuis le conseil de discipline de Josué, un sentiment d'impunité et de toute puissance règne chez certains de nos élèves garçons les plus âgés. Ils cherchent la confrontation physique avec leurs professeurs quand ceux-ci leur demandent de travailler et empêchent le cours d'avoir lieu. Ils sont fiers de ce qu'a fait leur camarade Josué, qui a ainsi prouvé son mérite et son courage, et peut dorénavant briguer le statut de caïd dans son quartier.

Le collège souffre aussi des luttes de clans inter-cités ; nombre de bagarres, de menaces, de provocations entre élèves en relèvent.

Les violences entre élèves sont autant d'ordre physiques (bagarres, balayages, claques ou tapettes, menaces physiques sur les bons élèves, coups de compas et de règles) que verbales. Certains n'utilisent plus la parole que pour provoquer ou humilier ; et ce comportement tend à se généraliser, les plus jeunes cherchant à imiter leurs glorieux aînés. Les règles du jeu sont en effet fixées par les plus grands.

Même si Félix-Djerzinski n'est pas une jungle totale où règne la loi du plus fort, il ne faut pas se voiler la face : un nombre croissant d'élèves ont peur et ne nous font plus vraiment confiance pour assurer leur sécurité au sein de l'établissement -ne parlons même pas de l'extérieur. Il n'est pas facile de se défendre quand on a été désigné comme « victime » par un groupe de brutes, qui promettent des représailles terribles aux « balances ». Le vol devient une activité courante dans nos murs et c'est souvent un acte presque entièrement gratuit : on ne veut pas s'approprier l'objet mais peiner la personne volée.  


Témoignages et listing de violences ou de faits ressentis comme tel

I. Agressivité verbale :
   1°) Réponses agressives ou insolentes à un professeur :
      - Grossièretés en classe.
      - « Vas-y » ; « Il est fou » ; « Elle me kiffe, elle » ; « Elle est chaude », répété au fil du cours et au fil des propos du professeur.
      - Insultes directes : « pute », « salope », « connard », « pédé ».
      - Mots ou sons répétés ad nauseam pour énerver, irriter, harceler en toute impunité tant on ne sait d'où vient le bruit.
      - Réponse agressive ou insolente à un professeur, quand celui-ci demande de travailler, de prendre ses affaires, d'écrire le cours, d'écouter ceux qui parlent, de se concentrer et de laisser les autres se concentrer.
      - Réponse agressive ou insolente à un professeur, quand celui-ci rappelle les termes du règlement intérieur ou veut punir (en prenant par exemple la carnet de correspondance d'un élève pour informer ses parents de la mauvaise conduite de leur enfant).

   2°) Agressivité verbale entre élèves :
      - Échanges d'insultes ou d'invectives entre élèves.
      - Provocations verbales par des mots grossiers, des insultes, des moqueries.
      - Insultes et persécutions d'un élève de la classe pour ses différences.
      - Misogynie et homophobie.

II. Agressivité comportementale :
      - Port d'un MP3, d'un portable, d'oreillettes, de manteaux et d'écharpes, de casquettes et capuches et de toutes sortes de couvre-chef.
      - Usage du MP3 et du portable en classe pour téléphoner, envoyer des SMS, prendre des photos. Usage de petites consoles de jeux.
      - Circulation sans autorisation dans la classe.
      - Certains élèves tentent délibérément de se faire exclure de cours et, quand on le leur refuse, ils quittent le cours en profitant d'un instant d'inattention de l'enseignant.
      - Vol dans la classe (les objets volés allant du stylo au sac à main)

III Agressivité physique :
      - Jet de boulettes, bouts de gommes, bouts de crayons, balles de papier, etc
   - Menace physique, toute personne présente au collège pouvant être prise pour cible : élève, professeur, surveillant, personnel ATOS, etc.
      - Harcèlement physique et violent d'un élève (coups de compas, de règles, ceinturages ou prises de nuques, « balayages », racket)
      - Provocation physique et menace envers un professeur, un surveillant, tout personnel, tout adulte
      - Provocation physique d'un élève, qu'il ait été préalablement provoqué ou non
      - Bagarre : coups de poings, de pieds, griffures ; plus récemment coups de bâtons.



Atelier 3 : Qu'est-ce qui fait dégénérer un cours ?

a) Dès la cour de récréation, les élèves ne se rangent pas à la sonnerie. Beaucoup continuent de courir un peu partout, discutent avec leurs camarades, se battent (« pour rire », bien sûr), écoutent de la musique, etc.

b) Des élèves arrivent en retard, ce qui perturbe le cours commencé.

c) Les élèves absents lors du cours précédent (rarement moins de trois, sur des classes de vingt-deux) ont du mal à suivre et donc à se concentrer sur le contenu du cours.

d) Les élèves, bien souvent, n'ont pas le matériel demandé : pas de cahier, pas de livre, pas de trousse (ne parlons même pas du matériel spécifique demandé en arts plastiques ou en mathématiques). Le sac des élèves est souvent réduit à une pochette. -Par ailleurs, nous consacrons souvent les dix premières minutes du cours à trouver dans l'établissement les chaises qui manquent pour asseoir toute notre classe.

e) Des élèves traînent en permanence dans les couloirs. Ils ont été exclus de cours et ne se sont pas rendus en salle de médiation comme ils l'auraient dû, ou bien ils ont un trou dans leur emploi du temps et en profitent pour faire un peu de tourisme, ou bien ils sèchent purement et simplement mais n'ont pas pu ou pas voulu sortir du collège. Ces élèves se cachaient autrefois mais maintenant, ils forment des attroupements bruyants sous nos fenêtres ou viennent au seuil des salles de classe pour perturber nos cours.

f) Certains élèves répondent insolemment, provoquent le professeur. C'est un réel spectacle pour les autres, qui encouragent les provocateurs à faire leur show.

g) Le manque de motivation et le ras le bol des professeurs les conduisent parfois à faire des cours médiocres, ce qui explique l'ennui des élèves. Les enseignants ont peur de mettre en place des activités pédagogiques originale qui leur demandent beaucoup de travail en amont et se soldent bien souvent à l'arrivée par un résultat très négatif (et qui aboutissent parfois aussi à la destruction du matériel utilisé).



Atelier 4 : Comment améliorer les rapports entre tous les adultes travaillant au collège ?

1) On souhaiterait, de façon plus générale, que M. Navarre
-manifeste davantage de respect envers les enseignants de son établissement, qu'il traite aujourd'hui avec un dédain très pénible.
-parle avec ces mêmes enseignants, plutôt que d'user exclusivement d'une autorité cassante de chef.
-qu'il se montre davantage dans le collège. Il faut qu'on le voie régulièrement dans la cour, dans les couloirs, dans la salle des profs. Sa présence n'aurait pas pour effet d'affaiblir notre autorité, comme il affecte de le craindre, mais au contraire de la renforcer, en montrant que nous pouvons le cas échéant compter sur l'appui de notre hiérarchie. A l'heure actuelle, beaucoup d'élèves ne savent même pas qui il est.

2) Le journal interne à l'établissement, qui servait à faire circuler un certain nombre d'informations entre l'administration et les enseignants, a disparu depuis la mi-octobre ; il a été remplacé par une multitude de petits mots glissés dans les casiers et un affichage proliférant.

3) Nous souhaiterions vivement que le conseiller d'orientation - psychologue, l'assistant social et l'infirmière nous transmettent davantage d'informations sur les élèves. Nous sommes bien conscient qu'ils sont tenus au secret professionnel. Mais nous voudrions qu'ils nous disent au moins, sans entrer dans les détails, quelles sont les données qui peuvent expliquer le comportement de tel ou tel élève durant nos cours et, le cas échéant, quels sont les dispositifs mis en œuvre pour aider cet élève. A l'heure actuelle, nous n'en savons rien -à moins que l'élève en question ne vienne nous en informer lui-même.

4) Les surveillant-e-s sont sans doute, de tous les adultes travaillant au collège, ceux qui ont la tâche la plus difficile : ce sont eux qui sont le plus souvent victimes d'insolences ou de menaces ; et ils sont, en même temps, les premiers garants du maintien de l'ordre et de la discipline dans l'établissement. Nous professeurs devons, dans tous nos actes, montrer aux élèves que les surveillant-e-s méritent la même considération que nous-mêmes.
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commentaires

M
<br /> Vous lirez bien entendu " ....ont adopté..."<br />
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M
<br /> Premier poste d'enseignant d'EPS à Metz (Lycée Fabert) responsable de classes à mi-temps pédagogique: 2 classes en parallèle, l'une moderne avec des horaires normaux, l'autre classique (latin)<br /> avec dsciplines dites fondamentales le matin et eps et sport l'après midi, équitation, canoé, etc etc, puis goûter, sieste de récupération puis études surveillées assurées par l'ensemble de<br /> l'équipe de professeurs.<br /> <br /> <br /> Quelques années plus tard nommé dans un collège Pailleron!! expérimental (groupes de niveaux) et classes à effectifs non pléthoriques, en Alsace j'ai vécu dans un quasi paradis de la relation<br /> profs élèves.<br /> <br /> <br /> Si je reconnais là, que j'ai connu depuis mon entrée dans le métier, les prémices des situations de la vie scolaire actuelle, j'ai toujours été à des années lumières de ces épouvantables<br /> descriptions. <br /> <br /> <br /> Responsabilités ? innombrables ! mais il en est une qui est nettement en tête: C'est celle de tous ceux qui ont adopter la religion d'un modernisme pédagogique extrémiste.<br /> <br /> <br /> Pensant que l'évolution pédagogique et des sciences humaines pouvait aller encore plus vite que les progrès scientifiques découlant des mathématiques. Grave erreur : l'humain et l'affectif ont<br /> besoin de points de repère, mais les enfants sont devenus des modèles, ont été placés au centre d'un projet éducatif plus par dogmatisme que par souci de l'intérêt de l'élève.<br /> <br /> <br /> Le retour à un statut valorisé de l'enseignant ne me semble pas pour l'instant l'objectif des grands penseurs de l'EN.<br />
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K
J'avais juste envie de laisser un petit mot par ici....Je tombe par hasard sur ce blog (plutôt poilant/ plutôt poignant/ plutôt "émotionnant"/ plutôt plein de choses qui ne me laissent pas indifférentes)... Merci pour le clin d'oeil aux pions (même si je n'en suis plus un)...je ne vais pas faire tout un laïus en fait mais ma curiosité en redemande!
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D
<br /> Merci à vous et repassez quand vous voulez.<br /> <br /> <br />
Y
Merci pour votre réponse. Dans ce cas, pourquoi ne pas l'avoir précisé dans votre texte ? Vous auriez pu écrire : "les surveillants, ou plutôt devrais-je dire les surveillantes étant donné que ce sont majoritairement des femmes, bla-bla-bla". Vous auriez précisé votre pensée et vous respecté la langue française. Personnellement, je n'ai pas du tout songé au fait que cette orthographe signifiait pour vous qu'il y avait plus de femmes que d'hommes. Amicalement, Yogi
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Y
Merci pour ces billets très instructifs. J'apprécie également votre blog dont je lis tous les billets avec plaisir.Mais je n'aime pas la façon dont vous écrivez les "surveillants" dans votre dernier paragraphe. Sauf erreur le genre neutre en français s'écrit comme le genre masculin (ou l'inverse). Votre façon de l'écrire me fait penser au blog d'une féministe très très à gauche d'une ancienne adjointe au maire de Paris désormais exilée à Montreuil. Et cela ne le fait pas monter dans mon estime ;-)
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D
<br /> Sur le mot "surveillant-e-s", j'avoue que, très réticent au départ, je me suis peu à peu laissé convaincre, notamment par mon épouse. En l'occurrence, il y a deux tiers ou trois quarts de femmes<br /> dans le groupe visé ; cela explique peut-être aussi en partie mon choix...<br /> <br /> <br />