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  • : Au collège
  • : Je suis professeur d'histoire-géographie au collège Félix-Djerzinski de Staincy-en-France. Ce métier me rend malade et il fait ma fierté. Avant d'en changer, je dépose ici un modeste témoignage.
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7 octobre 2007 7 07 /10 /octobre /2007 23:57

T--l---copie-1.jpgCe week-end, petite virée en province avec ma femme et mon fils. A l'hôtel, il y a évidemment une télé dans la chambre, et Louis veut voir les dessins animés. J'en regarde dix minutes avec lui. Je suis atterré par la bêtise, la violence, la laideur surtout de ce programme ; il est pourtant spécialement destiné aux enfants, et nous sommes sur le service public. Louis paraît fasciné par ce qu'il voit, et je dois, après avoir essayé de négocier, éteindre d'autorité. J'avais l'impression qu'il était en train de prendre du poison, du poison sucré.

Quand je dis à mes élèves que je n'ai pas de télévision chez moi, leur réaction est toujours à peu près la même : "Hein ? Mais c'est pas possible ! Qu'est-ce que vous faites le soir ?" (Pour être juste avec eux, j'ai déjà observé la même réaction chez certains de mes collègues). Je leur réponds que je lis, que je regarde des DVD sur mon ordinateur, que je joue avec mon fils, mais ils ne paraissent pas très convaincus ; je suis tout bonnement anormal. Souvent je me suis dit qu'une bonne partie de nos problèmes venaient de là : après avoir bataillé toute la journée avec leurs professeurs, les élèves rentrent chez eux la tête lourde et pratiquent un bon lavage de cerveau en allumant leur poste. Le foot leur fait oublier les maths, les jeux effacent la grammaire, la pub balaie les sciences physiques, les séries annulent les efforts du prof d'histoire-géo. Ce n'est pas de la détente, c'est de la purge. La télé est un anti-précepteur. Et son influence est telle que les salles de cours sont souvent polluées par son apport : la formule "J'ai vu à la télé que..." est prononcée au moins une fois à chaque cours, et elle introduit presque toujours une énormité. 
La consommation moyenne de télévision est de 3 h 38 chez les Français, et je n'ai aucune raison de la supposer inférieure chez mes élèves, bien au contraire. Or 80 % de mes élèves ont une télévision dans leur chambre. Les parents, quand on pointe ce fait, paraissent presque toujours surpris qu'on en fasse un problème. On est bien chez les pauvres.

Je me demande comment Louis, en grandissant, vivra l'absence de télé chez lui. Peut-être qu'il parviendra, à force de supplications, à nous convaincre d'en acheter une ; alors nous aussi nous nous avachirons devant des programmes dont nous penserons qu'ils sont stupides mais drôles, et que nous les voyons au second degré. Peut-être que ce sera une source de bagarres avec ses camarades-"Ouah, le clochard, il a même pas de télé chez lui, trop la honte !" Peut-être que des amis l'inviteront chez eux à savourer clandestinement les émissions préférées de sa génération, et le secret l'éloignera de nous. 
Quand il était plus petit, j'avais rêvé d'une école d'enfants atéliques, dont les parents auraient tous fait le même choix que nous. Le niveau aurait sans doute été excellent, mais il fallait craindre les attaques de citoyens téléphages offensés par notre démarche. Et les élèves rebelles se seraient sans doute rassemblés dans les chiottes pour regarder TF1 sur leurs portables. On ne peut se détacher de cette emprise.

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commentaires

C
Hello !Tres bon ce blog ! Ma maman est prof d'histoire geo, alors c'est vrai que j'aime bien lire les histoires des profs.En ce qui concerne la tele, il n'y en avait pas chez nous, ca posait de grands problemes a mon frere, moi j'etais plutot fiere de ne pas l'avoir. Dans ma classe nous etions bien 3 ou 4 sans teles, on ne faisait pas un clan pour autant. Bien sur, au college j'avais du mal a suivre les conversations du matin qui consistaient a se raconter les programmes ingurgites la veille ! Mais quelques annees plus tard je peux te dire que je ne regrette pas du tout cette absence, au contraire, je savoure ma chance d'avoir fait partie de ces enfants qui ont lu sous la couette avec une lampe de poche parce que papa avait coupe les plombs pour qu'on dorme enfin.Longue vie aux sans teles, et pardonnez l'absence d'accents dans ce message, j'ai un clavier americain !
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2
Merci pour ce fabuleux blog.<br /> La télévision est un outil, son contenu dépend de qui la remplit. Si elle lave si bien le cerveau, peut-on espérer qu'elle puisse aussi éveiller tout en restant divertissante? Je m'y efforce à travers les dessins animés dont j'ai la responsabilité. Je crois que nous nous sentons investis de la même mission, effrayés par les mêmes constats. Dès lors j'espère que mes méfaits audiovisuels trouveront grâce à vos yeux et vous permettront non plus d'avoir le sentiment d'abandonner votre fils à une obscurantiste préceptrice cathodique, mais au contraire de partager à nouveau un moment de bonheur avec lui à regarder le même programme.<br /> Vous devriez aimer: il était une fois, dans un monde où tout le monde a un super pouvoir à la naissance, dans une école... <br /> Mikido: première diffusion pendant les vacances de février sur France 3 (service public).<br /> <br /> Amitiés
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A
Cher Devine,<br /> Je ne crois pas qu'il y ait des parties du cerveau qui manquent aux gosses et qui leur ferait s'intéresser uniquement aux émissions idiotes de la télé ou aux exploits sportifs... des autres. <br /> Il est plus facile de donner un "hobby" passif a son gosse que de s'en occuper...<br /> Si, en plus, c'est le gosse qui peut choisir selon SA loi du moindre effort...<br /> Ubu a les mêmes interrogations et il ne possède pas de télévision non plus (coïncidence)...<br /> Il est des jours où je suis heureux d'être au crépuscule de ma vie!<br /> Amitiés
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D
Cher Armand,Bon, alors vous m'avez peut-être trouvé un premier volontaire pour m'aider à fonder l'école des enfants atéliques !
C
oui, vous avez raison, la télé est un poison sucreé Je suis professeur, moi aussi , et je voudrais dire que je n'aime pas la  télé de mon pays et les programmes qui abondent de sexe et de vulgarité. En plus, mes élèves consomment encore une drogue qui s'appelle "le portable". Ils ne sont plus capables de s'en passer, même pendant les classes.  Je leur parle de Baudelaire, ils écrivent des messages, je leur montre une image de la Tour Eiffel, ils demandent la permission d'aller aux toilettes. Et il s'agit des adolescents! Et puis, rentrés à la maison, ils retrouvent leur cher ordinateur, qui n'est plus une source d'informations , mais de distractions. Un ado  = télé, internet, portable, discothèque, cigarette ,  nombril  bien en vue...... Est ce que j'ai vieilli? Quant à votre cher Louis, il demandera sans doute d'avoir une télé chez lui. Ce n'est pas grave ,  mais c'est vous qui choisirez les programmes!
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D
Carmen, merci pour ta visite et ton commentaire. Je ne peux pas résister au plaisir de te résumer une conversation que j'ai eu aujourd'hui avec mes élèves (une classe de cinquième plutôt sympathique, au demeurant).Moi. -Non, non, je n'ai pas de télé.Les élèves. -Quoi ? Oh ! Je le crois pas !Vera. -Monsieur, pour moi, la télé, c'est comme une drogue.Moi. -Vera, tu viens sans t'en douter de dire une chose très grave.Samira. -Eh msieu, mais c'est bien la télé. Ca nous apprend plein de choses.Ümeyhan (provocatrice). -On pourrait même s'en servir comme professeur !Moi. -Ah oui ? Qu'est-ce que vous regardez, vous à la télé ?Amritraj, avec enthousiasme. -Arte !Ümeyhan. -Des documentaires !Plusieurs élèves. -Des films d'histoire !Moi. -Ecoutez, ce que vous dites me surprend beaucoup. Si je vous écoute, on dirait que vous ne regardez que des émissions culturelles à la télévision. Pourtant, ce ne sont pas, loin de là, celles qui font le plus d'audience.Les élèves, conscients de leur double langage, sourient.Ümeyhan. -Eh monsieur, ce serait chouette si les cours ressemblaient à Qui veut gagner des millions ?